La 3ᵉ édition du Village Valora aura lieu les 16 et 17 juin prochain à Fort de France. Un lieu où se réuniront pendant 2 jours tous les acteurs du développement durable et de l’économie circulaire et sociale à la Martinique. Eau, Air, Énergie, Mobilité durable, Gestion des déchets, Agriculture durable… Une grande majorité des acteurs concernés sera présente, afin de sensibiliser au mieux les habitants de la Martinique afin de réduire leur empreinte carbone et économiser au quotidien sur leurs dépenses… Retour sur la 2nde édition de VALORA, le Village du développement durable et de l’économie sociale et solidaire, avec l’interview, toujours d’actualité, de Monseigneur David Macaire.
À l’époque, nous avons eu l’honneur de rencontrer et d’échanger avec Monseigneur David MACAIRE, Archevêque de Saint-Pierre et Fort de France, des propos toujours d’actualité, alors que se prépare la 3eme édition de ce Village (salon) nécessaire pour la Martinique.
Il est aussi le Parrain de la 2nde édition du Village Valora qui se déroulera les vendredi 7 et samedi 8 avril à Fort de France. L’occasion de lui poser des questions sur l’Environnement, le Développement Durable…sur la Martinique…et les raisons de ce parrainage.
Je crois que la Martinique peut être le premier pays au monde, en tout cas, l’un des pays phare d’une économie durable, d’un développement, d’un respect de la nature et de l’environnement…et qui intègre à la fois une façon de vivre, par exemple le respect des anciens, des plus jeunes, des handicapés, mais aussi de l’environnement. »
Que pouvez-vous nous dire sur le développement durable et l’Eglise ou encore la Lettre encyclique du pape François « Laudato si » ? Quelles sont vos relations avec cette composante du monde ?
Je crois que l’église, sur ce sujet, a une réflexion très ancienne qui n’était pas encore éclose et qui, grâce au Pape Benoit XVI, est devenue une première préoccupation en tout cas en Europe. Le Pape a développé le concept, qui existait déjà, de l’écologie de l’homme. L’homme a lui aussi une nature qu’il faut respecter en la resituant dans son environnement. Il y a une vision qui, pour l’Eglise, est globale ; la réflexion est beaucoup plus profonde, qui précède toutes les autres, celle sur la création. Pourquoi définir le monde, la nature, l’univers tout entier, les plantes, les hommes, comme des créatures ? C’est parce qu’ils ont une même origine, une sorte d’unité profonde. Par exemple, c’est quand même extraordinaire que pour être soigné de nos maladies, nous trouvons à peu près tout ce dont nous avons besoin dans la nature.
Notre nature nous offre de quoi nous nourrir et nous soigner, par quel hasard ? Sinon parce qu’il y a une origine commune. Cette réflexion, c’est l’unité profonde de tout le créé et donc le respect profond de tout l’environnement puisque nous avons la même origine.
Je crois que ce village Valora, tel que l’on me l’a expliqué, va tout à fait dans le sens de ce qu’il y a dans mon cœur d’évêque, dans le cœur des hommes et des femmes de Martinique. »
Pourquoi avoir adhéré et être le Parrain du Village Valora ?
Je me suis tout de suite trouvé en phase sur ce projet pour deux raisons :
- D’abord pour les raisons que je viens d’évoquer sur la question du développement durable, c’est-à-dire comment intégrer l’économie au sens large, ce n’est pas simplement le fait de gagner de l’argent, mais la vie, l’activité humaine ; l’économie dans une façon de vivre propice au bonheur et qui respecte finalement ce que nous sommes, qui ne va ni dans ce concept du déchet ni dans le concept que développe le Pape dans « Laudato si de la Rapidacion », c’est-à-dire que l’activité humaine finit par aller plus vite que l’environnement et détruire l’environnement. Je suis donc parfaitement en phase avec ce projet tel qu’on me l’a présenté.
- La deuxième raison, c’est que je pense que la Martinique, je le dis haut et fort et je le pense de plus en plus, peut-être, compte tenu de son échelle, compte tenu peut-être des aides que nous avons de l’Europe, compte tenu de la possibilité aussi de l’éducation de notre peuple et des aspirations profondes de notre culture antillaise,[ je crois] que la Martinique peut être le premier pays au monde, en tout cas, l’un des pays phare, d’une économie durable, d’un développement respectueux de la nature et de l’environnement. C’est ce que l’on appelle dans l’Eglise depuis « Laudato si » : l’économie intégrale, ou encore avec Jean-Paul II : « la Civilisation de l’Amour » qui intègre à la fois une façon de vivre, par exemple le respect des anciens, des plus jeunes, des handicapés, mais aussi le respect de l’environnement ; que tout le monde ait de quoi vivre, se nourrir, se divertir, avoir accès à la culture, etc.
Je crois que nous le désirons profondément, je crois même que nous en avons les moyens.
Nous traînons quelques boulets, mais il faut justement une volonté pas simplement politique, mais culturelle, populaire, commune, il faut donc développer une culture de cela et je crois que ce village Valora, tel que l’on me l’a expliqué, va tout à fait dans le sens de ce qu’il y a dans mon cœur d’évêque, mais aussi dans le cœur des hommes et des femmes de Martinique.
Il faut trouver un nouvel espoir, un nouveau modèle social et économique. »
Quel est votre regard sur la Martinique actuelle, optimiste, pessimiste ?
Les deux, sombre et lumineux ; mais la lumière est d’autant belle qu’elle jaillit dans les ténèbres. Oui, ténébreux parce qu’il y a un manque d’espérance.
Après l’économie des plantations qui s’est achevée et qui a créé chez nous l’exode rural, les gens ont voulu fuir ces plantations qui certainement leur rappelaient de mauvais souvenirs. Rappelez-vous ce que l’on nous disait quand on était petit : « Si ou pa ka travay lékol ou kay travay anba bannann ». On a fui les plantations, on a créé une économie de fonctionnaires, mais maintenant cette économie là aussi s’est achevée, il faut trouver un nouvel espoir, un nouveau modèle social et économique.
Nous sommes à un tournant, c’est passionnant puisqu’on est peut-être en avance sur d’autres sociétés plus grosses, plus lourdes à bouger. Je pense qu’on peut vraiment changer quelque chose. Nous sommes à la fois affolés à cause de la mondialisation, à cause aussi des problèmes écologiques qui se posent comme la montée des eaux, les changements climatiques ; nous avons des jeunes ou des moins jeunes dans les rues, ce qui n’existait pas il y a 30 ou 40 ans… Il y a tous ces soucis, les débouchés, les jeunes font des études, ils s’en vont à 18 ans on ne les revoit plus, ils partent dans tous les pays du monde.
Où est notre place au soleil en Martinique pour les Martiniquais ? C’est le côté sombre et inquiet.
En même temps je crois qu’on peut réinventer. Pour bien inventer ce qu’il y a dans notre cœur, c’est de redécouvrir ce que nous avons profondément en nous. Je suis certain que, ayant vu le fond du cœur des Martiniquais, et j’en suis un, et cet avenir tel qu’il se présente, je suis certain donc que nous allons trouver en nous cette société solidaire, croyante, respectueuse des plus faibles, des plus fragiles que nos ancêtres avaient su construire et que nous pouvons reconstruire malgré les problèmes ou le modèle social européen que nous avons adopté un peu rapidement je trouve.
Liens internet et contact :
Association 3ED – Philippe Pied – 0696 73 26 26
Laudato si : goo.gl/hEU8RG
Village Valora : VILLAGE VALORA 2023
Propos recueillis par Philippe Pied