Lors d’une conférence tenue hier à l’initiative du journal « Le Point », le Ministre de l’Intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, a ravivé une rhétorique poussiéreuse et infantilisante vis-à-vis de nos pays de la dite outre-mer.
« Il faut savoir dire aux Ultramarins que vous n’aurez d’autonomie demain que si vous êtes capables de produire ce que vous mangez, ce que vous consommez comme électricité. Et c’est par la richesse économique que vous aurez des recettes. Ce n’est pas par des subventions. »
Avec ces propos, le ministre s’inscrit dans un courant de pensée d’un autre temps, laissant entendre que nous serions incapables de nous développer et que nous nous placerions dans une démarche de mendicité de subventions. Le ministre démontre ainsi sa méconnaissance et son mépris vis-à-vis de nos peuples et de leurs élus. Ce que nous demandons, ce sont justement les moyens qui nous permettront de prendre les décisions les plus adaptées à notre pays pour permettre son épanouissement économique, social et culturel. Ce que nous voulons c’est sortir d’un carcan qui nous maintient dans un sous-développement chronique.
Contrairement à ce que dit le ministre, l’octroi de mer n’est pas « la première cause de l’inflation » en Martinique, même s’il doit être repensé. La vie chère prend racine dans l’éloignement des centres d’approvisionnement, dans l’étroitesse de nos marchés, dans notre insularité, dans notre impossibilité de commercer avec nos pays voisins en raison de normes qui nous en empêchent. La vie chère vient d’une histoire qui a fait de nous un comptoir destiné à produire en direction de l’Europe. C’est justement avec cela que nous voulons rompre pour construire un modèle qui nous soit propre.
Aucun pays ne produit aujourd’hui tout ce qu’il consomme. On voit en France, comme en Martinique, les conséquences dramatiques de la hausse du coût du fret post-covid, de la guerre en Ukraine ou de sécheresses dans telle ou telle partie du monde. Nous ne sommes pas des enfants, Monsieur le Ministre, nous connaissons nos sociétés et nous savons penser des trajectoires de progrès. Nous ne voulons pas de votre condescendance, mais nous méritons votre respect et, sans doute, votre confiance. C’est à ce prix que nous pourrons construire une relation enfin vertueuse avec la France.
Catherine Conconne, Sénatrice de Martinique Secrétaire Générale de la Martinique Ensemble