Dans cet éditorial de décembre 1999, Henri Pied nous invite à rêver, mais pas de ces rêves inaccessibles ou utopiques que l’on sait d’avance irréalisables. Il propose plutôt un rêve de petits pas concrets, semblables à ceux d’Armstrong sur la lune, qui, bien que modestes en apparence, pourraient avoir un impact significatif pour la Martinique. À travers une réflexion lucide sur les débats de l’époque et les défis à relever, il plaide pour des actions tangibles et réfléchies de la part des décideurs, dans l’espoir de voir émerger un véritable progrès pour la société martiniquaise à l’aube de l’an 2000.
C’était il y a… un quart de siècle !
Philippe Pied
Merci de regarder la fin du texte, en fin d’article…
Faisons un rêve !
Oh, bien sûr, pas un de ces grands rêves ou vœux si généreux ou si généraux, que l’on sait d’avance qu’is ne peuvent se réaliser dans les 366 prochains jours. Un rêve de petits pas, comme ceux d’Armstrong sur la lune, petits pour l’homme mais grands pour notre Martinique.
Parce que, en ce moment, l’on est saturé des prétendus « grands débats » sur le statut. Ce n’est pas que l’on doute de cette nécessité : il est évident que la Martinique a vocation à devenir responsable d’elle-même. Mais le discours public, agité ici ou là, ne fournit ni réponse ni explication sur la relation entre l’objectif visé et le résultat possible.
Alors on rêve pour que nos responsables aillent plus loin et démontrent en quoi l’obtention par eux de tel ou tel pouvoir supplémentaire se traduira positivement dans nos vies. Prenons un exemple où un rêve a été réussi. Celui de la pêche où un petit pas vient d’être accompli, mais si symbolique que beaucoup pourraient s’en inspirer. René Adémar, en sa qualité de représentant de la profession, a cosigné la décision d’interdire durant trois ans la pêche dans la zone qui va de la Pointe Borgnès au Marin à la Pointe Philipeau à Sainte-Luce. Cette zone s’ajoutera à celle de la Baie du Trésor à Trinité et de l’Îlet à Ramier aux Trois-llets. L’évidence est là : avec le pouvoir qu’ils détiennent, les dirigeants de la pêche ont fait un petit pas, mais si concret qu’il rompt avec des décennies de parlotte insipide.
Alors on rêve…
On rêve d’une concertation des professionnels du transport public, qui à l’instar des pêcheurs, pointeraient les engorgements prévisibles du secteur et tenteraient d’en démêler, s’il en est encore temps, une organisation commune saine.
On rêve d’une rencontre entre les écologistes de la Région et du Conseil général, pour mettre sur pied un bureau de recherche, travaillant concrètement pour agir sur l’environnement. Cela est déjà fait par ailleurs, mais ce que l’on attend d’eux, c’est de cesser de nous donner l’impression que leur discours d’antan n’était qu’un marchepied pour toucher le jackpot du pouvoir alors que leur promotion aurait du signifier la volonté de continuer le travail d’alerte qu’ils évoquaient, et notamment dans notre presse, à une époque où leur discours forcément sommaires avaient eu le mérite d’éveiller des consciences.
On rêve de rencontres régulières entre l’ODTM, l’ARDTM, les commissions ad hoc des deux assemblées pour lister et mettre en œuvre des décisions communes.
On rêve de nouveaux comportements de nos décideurs élus qui privilégieraient ceux qui proposent plutôt que ceux qui demandent et dans laquelle il ne serait pas plus facile pour un jeune diplômé, par exemple, d’accéder à une nouvelle formation qualifiante, qu’à une opportunité de mettre en œuvre les compétences qu’il possède déjà (1).
On rêve de partis politiques qui cesseraient de se chamailler sur des misères et qui dépassant leurs évidentes différences, rivalisent d’ingéniosité pour nous éviter leurs si grandes querelles lorsqu’il ne s’agit en fait que de petites querelles de pouvoir.
On rêve d’indépendantistes suffisamment cohérents pour expliquer clairement les revenus de remplacement possibles des ressources locales provenant du RMI ou des 40% et ce que sera en conséquence leur nouvelle économie agricole et touristique.
On rêve de syndicalistes suffisamment conscients pour ne pas lancer des mouvements dont la dureté est inversement proportionnelle aux minorités qui les approuvent.
Si nous ne réussissions que cela dans les douze prochains mois (NDLR année 2000), quel gigantesque et décisif progrès !
Henri PIED
Qu’en dire en ce mois d’août 2024 ?