Et si la plus grande richesse du Tchad était un grain de sel ? Après l’Exposition internationale 2008 qui s’était tenue dans la ville espagnole de Saragosse sur le thème de l’eau et du développement durable, ce petit cristal symbole de vie a nourri l’imagination de l’Exposition internationale Yeosu 2012 en Corée du sud, baptisée “Diversité des ressources et activités durables”. Mais plus étonnant est le sort qui lui a été accordé à l’exposition universelle de Dubaï. Un fabuleux voyage pour inspirer le Tchad UNI-VER- SEL.
L’exposition universelle de Dubaï a été l’occasion d’exposer l’édition originale de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Dans cette entreprise éditoriale inédite du XVIIIème siècle, les philosophes avaient déjà identifié l’importance du commerce du sel. Les outils des sauniers (exploitants du sel) figuraient dans les planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert en 1778. Ils y voyaient la résonance de savoir-faire ancestraux capables de côtoyer de l’innovation dernier cri. “Lumière, Lumières”, le thème du pavillon français à Dubaï s’est voulu porteur d’un message en écho à une double référence aux innovations philosophiques mêlées des richesses de nos activités et richesses durables.
Chaque exposition universelle se veut être une expérience exceptionnelle. Ses portes ne se renferment jamais pour continuer à connecter les esprits et construire le futur. C’est une boussole créative pour le Tchad, nourri par l’histoire des apports du sel au lac Tchad et l’étude de ses premiers explorateurs étonnés de la salinité de ses eaux.
L’économie bleue fait toujours appel au sel dans les métiers d’art, la cosmétique, la pharmacopée, le travail des matières, les batteries électriques, ou encore le bien-être. Pendant longtemps, les sauniers, exploitants du sel étaient les paysans les plus riches de France. La gabelle n’était pas seulement un impôt sur le sel mais une ressource qui a financé des investissements gigantesques pendant les guerres de Richelieu et Mazarin comme la Sorbonne à Paris ou le Collège des Quatres Nations qui abrite aujourd’hui l’Institut de France.
Entre science et nature, le sel peut retrouver une place de premier choix dans les investissements d’avenir du lac Tchad. Les sels des eaux du Lac Tchad proviennent d’une part des apports fluviaux du Chari, de l’El Beïd, de la Komadogou et du Yedseram, d’autre part des apports par les vents et les pluies. La pluie dissout et ramène au sol les poussières et les sels mis en suspension avant l’orage.
Entre science et nature, le sel a été au cœur des travaux d’une scientifique oubliée au parcours très atypique par son rôle dans le développement de filières d’innovation circulaire. Lucie Randoin (1885- 1960) fut la première femme biologiste à l’Académie française de médecine à imaginer notre futur entre ressources naturelles et innovation locale.
En s’appuyant sur l’histoire de découvreurs et de pionniers de l’économie bleue, ses travaux ont valorisé de nombreuses découvertes, en particulier pour valoriser le sel, le sable coquillier mais aussi des minéraux marins capables de renforcer le calcium de coquilles d’œufs. Sans oublier le Plasma de Quinton. Attentive à l’innovation entrepreneuriale, elle a aussi entretenu des relations épistolaires avec plusieurs industriels dont Théophile Lognoné (1895-1974) lorsqu’il a fondé les industries Probiomer.
Après le décès de Marie Curie en 1934, aucune femme n’est entrée à l’Académie française de médecine avant Lucie Randoin. Un siècle plus tard, la place des femmes dans les institutions médicales reste congrue. En quête d’opportunités, souhaitons qu’un Tchad UNI-VER-SEL représente demain un laboratoire d’idées pour connecter les esprits et créer le futur.
Kevin LOGNONÉ