Du 4 juillet au 24 août 2025, la Fondation Clément accueille une exposition exceptionnelle consacrée à l’un des plus grands artistes cubains contemporains : Manuel Mendive. Intitulée La vie devrait être belle, cette rétrospective, unique par son ampleur et sa profondeur, puise dans plus de six décennies de création pour célébrer la beauté du quotidien, la spiritualité afro-cubaine, et les liens invisibles mais puissants qui unissent les peuples de la Caraïbe. C’est aussi le fruit d’un partenariat fort entre la Fondation Clément, Gilbert Brownstone, le commissaire de l’exposition et par l’artiste lui-même, présent en Martinique pour ce moment rare.
Retrouvez plus bas l’interview de l’artiste Manuel Mendive, et dans un autre article celui de Mme Dayneris Brito

Une exposition comme une offrande
La vie devrait être belle. À elle seule, cette phrase est un manifeste, un souhait chuchoté à l’oreille du visiteur.
« C’est une invitation à regarder autrement »,
explique Dayneris Brito, assistante du commissaire de l’exposition.
L’exposition n’impose rien, elle propose : une autre manière de ressentir, de voir, de croire.

L’œuvre de Manuel Mendive ne ressemble à aucune autre. Peintures, sculptures, performances, body art… Tout est tissé dans une même trame : celle d’une spiritualité féconde, enracinée dans les religions afro-cubaines comme la Regla Ocha ou la Santería. « Ses dieux ne sont pas ceux d’un panthéon figé », précise Brito. « Ce sont des présences sensibles, recréées par l’artiste, pour dialoguer avec nos vies. »
La Martinique, terre de créolisation, ne pouvait être plus appropriée pour cette exposition conçue spécialement pour la Fondation Clément. Les œuvres, certaines inédites, viennent du musée national des Beaux-Arts de La Havane, mais aussi directement de la collection privée de l’artiste. Elles couvrent toutes ses périodes, tous ses médiums, dans une rétrospective inédite et totale.

La Fondation Clément, trait d’union essentiel
Depuis plusieurs années, la Fondation Clément s’impose comme un acteur majeur de la mise en lumière des scènes artistiques caribéennes. Avec cette exposition, elle confirme son rôle de passeur culturel entre les territoires et les imaginaires. Déjà partenaire de plusieurs expositions d’artistes cubains sous le commissariat de Gilbert Brownstone, elle franchit ici une étape supplémentaire : accueillir une figure tutélaire de l’art afro-cubain contemporain, dans une mise en espace raffinée, généreuse, pensée pour le public martiniquais.
« C’est un geste de confiance de l’artiste, de nous donner accès à tant d’œuvres rares, précieuses, parfois jamais sorties de son atelier », confie Dayneris Brito. « Et c’est une preuve de la capacité de la Fondation Clément à créer un lien vivant entre la Caraïbe et ses expressions les plus puissantes. »
Un voyage intérieur, un pont entre les îles
La vie devrait être belle n’est pas une exposition qu’on traverse. C’est une expérience. Elle nous regarde autant qu’on la regarde. Elle parle de dieux, mais surtout de nous. Et si l’art a une mission, c’est bien celle-ci : nous rappeler, dans la tourmente, qu’il existe une beauté cachée à qui sait la chercher. Grâce à Manuel Mendive, à Gilbert Brownstone à Dayneris Brito, à la Fondation Clément, la Martinique peut, le temps de nos “grandes vacances”, renouer avec ce murmure essentiel.
Philippe PIED
Entretien avec Manuel Mendive, artiste
« Je peins pour que l’âme se souvienne qu’elle est libre, même quand le corps oublie, même quand le monde enferme, même quand la douleur fait taire les mots. Mon art n’est pas une réponse, c’est une main tendue vers ce que chacun porte en silence, un chant pour réveiller ce qui en nous reste vivant. »
Monsieur Mendive, que ressentez-vous en exposant en Martinique ?
Je ressens une forme de paix. Ici, je retrouve une énergie qui me parle. Une île, une culture, une mémoire. Je viens avec mes dieux, mes couleurs, mais je sens que quelque chose de commun existe déjà entre nous. C’est un lieu qui accepte la multiplicité, la transformation. C’est un lieu de liberté.
Quelle est votre démarche artistique ?
Je n’ai jamais cherché à imposer une lecture. Mon art n’est pas un discours. C’est un souffle. Je peins ce que je ressens, ce que je vois, parfois ce que je ne vois pas. Il faut respirer lentement, regarder doucement, et alors peut-être, quelque chose apparaîtra. Chacun peut prendre ce dont il a besoin. L’interprétation est aussi une liberté.
Que voulez-vous transmettre aux peuples de la Caraïbe ?
Au Monde entier….L’amour. Rien n’est plus important. Aimer sans heurter. Ne pas blesser. Vivre un jour après l’autre. Chercher la beauté, même dans ce qui semble brisé. Et croire que la liberté intérieure est possible, toujours.
Y a-t-il un message dans vos œuvres ?
Il y en a mille, mais aucun n’est obligatoire. Le vrai message, c’est que chacun peut y voir ce qu’il est prêt à voir. Et peut-être, découvrir quelque chose qu’il ne soupçonnait pas en lui-même.
Philippe PIED