L’avis rendu le 23 juillet 2025 par la Cour internationale de justice marque un tournant. Pour la première fois, la plus haute juridiction de l’ONU affirme sans ambiguïté que les États ont des obligations juridiques en matière climatique, non seulement envers leur propre population, mais aussi envers les peuples et territoires affectés par leurs émissions.
Cet avis, certes consultatif, vient rappeler une vérité simple : le dérèglement climatique n’est pas une fatalité. C’est le résultat de choix humains, économiques, politiques. Et ces choix engagent.
À l’échelle des grandes puissances, c’est une alerte. À celle des petits territoires insulaires, comme la Martinique, cela pourrait être une bouée de sauvetage. Car qui, mieux que ces territoires, peut attester du prix à payer quand la planète s’emballe ? Les côtes s’érodent, les saisons se dérèglent, les sécheresses inattendues se répètent, les cyclones gagnent en violence. Notre horizon est en permanence obscurci par les particules du désert saharien, nos plages sont jonchées d’algues putrides. Et pourtant, nous n’émettons presque rien. Notre empreinte est minuscule. Mais notre vulnérabilité est immense.
Il est temps de dire que cela suffit. Ce que la Cour nous offre aujourd’hui, c’est une légitimité nouvelle pour rappeler à la France qu’elle doit honorer pleinement ses responsabilités climatiques à notre égard, par des actes concrets : financement de la transition énergétique, adaptation des infrastructures, respect de la biodiversité locale, relocalisation des zones à risque, accompagnement des populations sinistrées.
C’est aussi une opportunité historique pour réclamer une autonomie environnementale réelle. La Martinique ne peut continuer à subir des décisions prises à Paris ou à Bruxelles sans qu’elle ait voix au chapitre. Il nous faut une capacité d’initiative renforcée, un droit à la différenciation climatique, une gouvernance adaptée à notre réalité insulaire.
Car au fond, la question posée par cet avis est simple : qui protège les plus exposés quand le système échoue ? Quand le droit ne précède plus le danger ? La réponse est politique, mais elle est aussi morale. Et elle engage chacun de nous — élu·es, citoyen·nes, institutions, associations — à refuser l’inaction et l’indifférence.
La Martinique peut réclamer une justice climatique. Elle doit la réclamer, au nom des générations présentes et futures. En la matière, il n’y aura pas de seconde chance. Ce que nous vivons ici n’est pas une exception, mais un avant-goût de ce qui attend le monde entier si rien ne change.
Gérard Doewling-Carter