Dominica news
Mc Carthy Marie –
Les musiciens et les créateurs des Caraïbes célèbrent une décision historique de la Cour d’appel de Trinidad-et-Tobago, qui affirme le droit fondamental des artistes interprètes à contrôler l’utilisation et l’attribution de leurs œuvres. L’affaire, Sean Caruth contre Tobago House of Assembly (THA), marque un tournant dans le
paysage culturel et juridique de la région, avec des implications profondes pour les artistes de l’OECO et de la CARICOM.
L’affaire : « Coal Pot » et la lutte pour la reconnaissance
Le litige portait sur l’artiste de soca Sean Caruth et sa chanson populaire de 2001, The Cook, connue sous le nom de « Coal Pot ». En 2012, la THA a utilisé l’enregistrement, sans le consentement de Caruth, dans le cadre d’une campagne promotionnelle pour le festival gastronomique Tobago Blue (DASHEEN). La campagne mettait en vedette des plats à base de porc, que Caruth, membre de la communauté baptiste spirituelle, jugeait offensants. De plus, il n’était pas crédité comme interprète.
Caruth a engagé une action en justice, invoquant une utilisation non autorisée de sa prestation (violation des droits voisins) et un défaut de crédit, ce qui, selon lui, constituait une violation de ses droits moraux en vertu de la loi sur le droit d’auteur de Trinidad-et-Tobago. La Haute Cour a rejeté sa demande en 2018, jugeant que Caruth avait cédé ses droits à la Copyright Music Organisation of Trinidad and Tobago (COTT) et qu’il n’avait donc pas qualité pour agir.
La Cour d’appel annule la décision
Dans un jugement unanime rendu le 22 juillet 2025, les juges Gillian Lucky, Mira Dean-Armorer et Vasheist Kokaram ont infirmé la décision de la Haute Cour. La cour d’appel a jugé que les droits voisins de Caruth en tant qu’artiste interprète n’avaient pas été cédés, le mandat de COTT ne s’étendant pas à ces droits.
Le tribunal a jugé que les droits moraux de Caruth avaient été violés de deux manières :
1. Défaut de l’attribuer comme interprète.
2. Association de son travail avec du matériel contraire à ses croyances personnelles, à savoir la consommation de porc.
Le tribunal a rejeté les arguments selon lesquels Caruth avait renoncé à ces droits en se produisant au même festival un an plus tard, soulignant que les droits moraux restent la propriété de l’auteur, sauf renonciation écrite. Le jugement confirme le caractère inaliénable des droits moraux et leur importance pour la protection des intérêts personnels et de la réputation des artistes.
Dommages-intérêts accordés
La Cour d’appel a accordé à Caruth 200 000 TT$ de dommages et intérêts au total :
100 000 TT$ de dommages et intérêts pour utilisation non autorisée de la performance.
100 000 TT$ de dommages et intérêts non pécuniaires pour détresse émotionnelle et atteinte à la réputation.
Les frais tant au niveau de la Haute Cour que de la Cour d’appel.
Cette décision substantielle montre que les tribunaux des Caraïbes sont prêts à reconnaître et à défendre non seulement les droits économiques, mais aussi la dignité et l’identité personnelle des créateurs.
Un tournant pour les artistes caribéens
Les professionnels du droit et de la création de toute la région saluent cette décision, la qualifiant d’avancée décisive pour les droits des artistes. Pour les musiciens, les artistes visuels, les cinéastes et les interprètes de la Dominique et des Caraïbes, cette affaire constitue un précédent clair :
Les droits voisins — les droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs — restent la propriété de l’individu, sauf s’ils sont expressément cédés.
Les droits moraux, y compris le droit d’être crédité et le droit de s’opposer au traitement dérogatoire d’une œuvre, sont inviolables sans renonciation écrite.
Les organismes publics, les radiodiffuseurs et les organisateurs d’événements doivent désormais faire preuve d’une plus grande prudence et d’un plus grand respect des droits des créateurs lorsqu’ils utilisent leurs œuvres.
Les défenseurs du droit d’auteur en Dominique ont salué la décision. Une source du secteur a noté :
« C’est une décision qui change la donne. Trop souvent, nos artistes sont traités comme si leurs œuvres appartenaient au domaine public. Le tribunal a envoyé un message clair : les artistes comptent – pas seulement leurs chansons ou leurs images, mais aussi leur identité et leurs convictions. »
Implications pour la Dominique et l’OECO
Cette décision intervient à un moment crucial, alors que les industries culturelles de la région continuent de prendre de l’importance économique. En Dominique, où la musique est au cœur de l’identité nationale et du potentiel d’exportation, cette affaire souligne la nécessité de :
Des accords de licence clairs pour toutes les utilisations des performances enregistrées.
Une plus grande sensibilisation aux droits des artistes interprètes ou exécutants parmi les diffuseurs, les annonceurs et les organisateurs d’événements.
Un soutien juridique renforcé aux artistes qui font valoir leurs droits.
La décision dans l’affaire Sean Caruth c. THA constitue un appel clair au respect, à la reconnaissance et à la responsabilité dans l’utilisation des œuvres créatives — une étape importante non seulement pour Trinité-et-Tobago, mais pour l’ensemble des Caraïbes.