Le Conseil constitutionnel a invalidé, le 7 août, la disposition la plus controversée de la loi portée par le sénateur Laurent Duplomb, qui visait à réintroduire trois néonicotinoïdes, dont l’acétamipride. Les militants, réunis à Paris pour attendre la décision, y voient une « petite victoire » qui ne doit pas masquer la poursuite du combat
L’attente place André-Malraux
Jeudi 7 août, 17 h 30. À quelques pas de la pyramide du Louvre, entre les estafettes de CRS, les touristes au cornet dégoulinant et le bruit de la circulation, une poignée de citoyens et de militants patiente place André-Malraux. Drapeaux jaunes de la Confédération paysanne, pancartes de Compassion in World Farming (CIWF) et banderoles en tissu de Cancer Colère, le collectif mené « chimio battante » par Fleur Breteau : tous sont venus pour guetter la décision des Sages.
La loi Duplomb, adoptée fin juillet, est décriée pour plusieurs dispositions, au premier rang desquelles la réautorisation de l’acétamipride, insecticide de la famille des néonicotinoïdes. Un texte jugé dangereux pour la biodiversité et la santé humaine, et perçu par les opposants comme un cadeau à l’agrobusiness.
« La mobilisation a un but très précis : occuper l’espace médiatique en plein été, relancer la pétition [déjà signée par plus de deux millions de personnes] et maintenir la pression », explique Félix de Monts, entrepreneur social à l’origine de ce rassemblement improvisé. Le pari est réussi : les journalistes sont presque aussi nombreux que les manifestants.
Un verdict en demi-teinte
Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la loi Duplomb, mais supprime la réintroduction des trois néonicotinoïdes, dont l’acétamipride. Les autres dispositions – facilitation de la construction de mégabassines et implantation de fermes-usines – restent inchangées.
Pour Thomas Gibert, maraîcher et membre de la Confédération paysanne, « c’est une victoire en demi-teinte. Cette loi pousse toujours l’avènement d’une agriculture de firmes ». Stéphane Gallais, producteur laitier en Ille-et-Vilaine, renchérit : « On sait bien que l’ADN de la loi est inchangé. Laurent Duplomb veut diriger la ferme France comme la sienne, taillée pour la compétition, qui tire qualité et prix vers le bas. »
« Le rapport de force fonctionne »
Malgré le bilan mitigé, le moral reste haut. Fleur Breteau, porte-parole de Cancer Colère, enchaîne les interviews : « Cette décision nous apprend que le rapport de force fonctionne. Mais il reste 288 molécules nocives utilisées en agriculture. On veut un moratoire sur les pesticides. »
Le mot d’ordre est clair : ne pas s’arrêter là. « Cette loi ne répond pas aux revendications des agriculteurs en colère : vivre de notre métier. On ne garantit pas la sécurité alimentaire en montant des exploitations de 500 à 1 000 hectares financées par des firmes agro-industrielles », estime encore Thomas Gibert.
Une étape, pas un aboutissement
Pour les opposants, la loi Duplomb reste le symbole d’une orientation politique favorisant la concentration des exploitations, l’industrialisation de la production et le recul de la transition agroécologique. Et si la censure partielle est vécue comme un nectar après des mois de mobilisation, le verre est encore loin d’être plein.



