Alors que la réforme constitutionnelle sur l’autonomie de la Corse a été présentée fin juillet en Conseil des ministres, la Guadeloupe reste dans l’expectative. Malgré l’Appel de Fort-de-France en 2022 et les débats récurrents sur l’adaptation des lois aux réalités locales, aucun calendrier concret n’est fixé. Les élus guadeloupéens savent qu’une telle réforme nécessitera un consensus politique, une révision constitutionnelle… et surtout l’adhésion populaire, un point qui reste le principal verrou.
Les grandes étapes du débat institutionnel en Guadeloupe
7 décembre 2003 : Rejet massif (72,98 % de « non ») du passage à une collectivité unique dotée d’un statut d’autonomie (article 74).
2010 : La question institutionnelle revient avec les débats sur l’article 73, mais aucun processus n’aboutit à une consultation.
2019 : Discussions avortées autour d’un pouvoir d’adaptation législative élargi.
2022 : L’Appel de Fort-de-France, signé par sept présidents d’exécutifs ultramarins, réclame davantage de pouvoirs normatifs.
2024-2025 : Aucune initiative gouvernementale concrète, malgré l’évolution institutionnelle engagée pour la Corse et la Nouvelle-Calédonie.
Entre revendications locales et inertie nationale
Le sénateur socialiste Victorin Lurel, ancien président du conseil régional et ministre des Outre-mer, a récemment acté l’échec des propositions de réforme statutaire avancées jusqu’ici. Dans une lettre ouverte adressée en juillet 2025 au président du conseil régional Ary Chalus, il a proposé un référendum d’initiative citoyenne “à blanc” afin de mesurer la volonté populaire avant toute démarche officielle.
Pour Lurel, la réforme institutionnelle devrait figurer au cœur des programmes pour les élections de 2028, et non rester cantonnée aux déclarations d’intention
L’ombre des précédents échecs référendaires
Le principal frein reste la consultation populaire, obligatoire pour toute réforme statutaire. Les résultats négatifs de 2003 restent dans toutes les mémoires, rappelant que la population guadeloupéenne a historiquement exprimé sa prudence face aux changements institutionnels. Cette mémoire pèse lourd sur les choix politiques actuels, incitant certains élus à temporiser.
Un contexte national défavorable
À Paris, l’instabilité gouvernementale et les tensions parlementaires freinent tout projet nécessitant une révision constitutionnelle. La rareté des réunions du Congrès – dernière en mars 2024 pour inscrire le droit à l’avortement – et l’embouteillage législatif laissent peu d’espoir à court terme. La priorité nationale se porte sur la Corse et, dans une moindre mesure, la Nouvelle-Calédonie, reléguant la Guadeloupe à l’arrière-plan.
Une réforme qui reste à inventer
Pour de nombreux observateurs, la Guadeloupe n’échappera pas à un débat de fond sur son avenir institutionnel. La question centrale n’est pas seulement juridique, mais aussi politique et sociale : comment articuler l’identité guadeloupéenne, l’ancrage républicain et les marges d’autonomie nécessaires pour adapter les politiques publiques ? Sans réponse claire et sans mobilisation citoyenne, la réforme risque de rester lettre morte encore plusieurs années.
Paul-Émile BLOIS