12 AOÛT 2025
Dans une tribune éditée sur son blog, Emmanuel de Reynal explique que le 25 septembre prochain, Serge Letchimy réunira un Congrès des élus de Martinique, censé ouvrir une « nouvelle phase » dans nos relations avec l’État.
– Un rendez-vous présenté comme historique, mais qui, derrière les discours de modernisation et de différenciation, cache une orientation risquée : au mieux, ouvrir une simple boîte de Pandore, au pire engager le pays dans un processus de rupture institutionnelle… sans mandat populaire clair, nous dit le pamphlétiste
-qui ajoute:
Car c’est là le premier problème : à aucun moment, la question statutaire n’a été évoquée par l’équipe majoritaire lors de la dernière campagne de la CTM. À aucun moment la population martiniquaise n’a exprimé le souhait d’un changement de statut. Tout indique, au contraire, que l’attachement au cadre républicain demeure fort. Vouloir réécrire les règles fondamentales du lien avec la France, sans consultation préalable, revient à mettre la charrue avant les bœufs…
Le deuxième problème est de nature politique : ce congrès vise à obtenir un « pouvoir normatif autonome », autrement dit la capacité de voter nos propres lois locales. Sur le papier, l’idée est séduisante : adapter les textes aux réalités martiniquaises. Mais dans les faits, nos institutions locales disposent déjà de larges compétences… et elles peinent gravement à les exercer. Gestion dégradée de l’eau, des déchets, des transports, des fonds européens, des services sociaux… : la liste est longue, et la comparaison avec d’autres territoires ultramarins, comme La Réunion ou la Guadeloupe, est douloureuse. Avant de réclamer plus de pouvoirs, ne faudrait-il pas d’abord bien utiliser ceux que nous avons ?
S’ajoute un troisième problème, cette fois budgétaire : ce congrès « de la rupture » arrive au pire moment. Les Outre-mer traversent une période de grande restriction, et les négociations avec Paris sont tendues. On le sait bien, chaque nouvelle compétence, chaque transfert de pouvoir normatif devra s’autofinancer. Or, la situation financière de la CTM est loin d’être florissante. Réclamer de nouveaux champs d’action sans capacité réelle de financement, c’est en quelque sorte tendre à l’État la preuve qu’il a raison de raboter nos budgets !
Enfin, ce débat réactive un vieux réflexe identitaire, celui de se définir d’abord par la distance avec Paris plutôt que par la qualité de nos politiques publiques. Or, dans le contexte actuel, où l’économie martiniquaise est fragile, où la vie chère alimente la colère sociale, et où l’insécurité liée au narcotrafic explose, le choix stratégique ne devrait pas être la distanciation mais le renforcement de la coopération avec les services de l’État. L’urgence est à la performance, pas à la posture.
Ce Congrès, présenté comme un moment « de responsabilisation », risque au contraire d’alimenter la défiance : défiance envers la République, défiance envers les institutions locales déjà critiquées, et, à terme, défiance envers ceux qui, au nom d’un « projet global », engageraient la Martinique dans un chemin dont nul ne peut garantir l’issue.
On peut appeler cela « différenciation statutaire », « pouvoir normatif autonome » ou « nouvelle étape », qu’on le veuille ou non, cela fleure le mauvais parfum du séparatisme. Alors, plutôt que de jouer cette partition contreproductive, délivrons sans complexe un autre signal ! Celui d’une union constructive, responsable et loyale avec la République. Car, dans le contexte chaotique du moment, c’est en rétablissant résolument la confiance, en travaillant main dans la main avec l’État et les entreprises, que nous pourrons peser sur les décisions nationales… et tenter d’améliorer la vie des Martiniquais.