La tribune d’Emmanuel de Reynald sur le « Congrès des élus » a fait bondir l’auteur de cette réponse. Ce texte, qu’il considère comme une déformation dangereuse des enjeux réels, appelle selon lui une réplique immédiate. À travers ce cri sincère, il interpelle, secoue et met en garde : la Martinique ne peut se payer le luxe des faux-semblants. Cette réplique émane d’un homme d’affaires martiniquais qui s’est identité auprès de notre rédaction.
Réponse à la tribune d’Emmanuel de Reynal.
Le 25 septembre, le Congrès des élus de Martinique ne se résume pas à une “boîte de Pandore” institutionnelle.
C’est d’abord la reconnaissance d’une évidence : le cadre juridique et administratif dans lequel nous vivons n’est pas neutre. Il produit des effets et il distribue des pouvoirs, parfois loin des citoyens.
Refuser d’en débattre au nom d’un prétendu attachement figé au statu quo revient à sanctuariser les positions acquises de ceux qui savent parfaitement naviguer dans les couloirs des ministères, obtenir des arbitrages favorables et orienter les choix budgétaires.
Car ne nous y trompons pas : le statu quo profite à ceux qui maîtrisent déjà les codes et les réseaux du système centralisé notamment certains lobbies économiques puissants dont l’influence sur les décisions nationales est bien réelle.
Parler de “mandat populaire” manquant est un argument commode… à condition d’oublier que les réformes les plus structurantes des trente dernières années dans les Outre-mer n’ont pas toutes été précédées d’un référendum. Le Congrès n’impose pas un nouveau statut du jour au lendemain : il ouvre un processus ; refuser même d’en discuter, c’est priver les Martiniquais du droit d’examiner et de peser sur leur avenir institutionnel.
On nous dit que nos institutions peinent à exercer leurs compétences actuelles : c’est vrai.
Mais ce constat devrait précisément nous conduire à demander des leviers mieux adaptés pas à rester prisonniers d’outils conçus pour des réalités hexagonales.
Les retards dans la gestion de l’eau, du transport, des déchets ou des fonds européens sont aussi la conséquence de règles inadaptées, de procédures pensées pour Paris et non pour un territoire insulaire aux contraintes logistiques et sociales spécifiques.
Quant à l’argument budgétaire, il mérite d’être retourné : plus nous restons dépendants des arbitrages nationaux, plus nous subissons les coupes et les “réformes uniformes” qui fragilisent nos services publics.
Un pouvoir normatif local permettrait d’adapter nos fiscalités, de moduler certains prélèvements ou d’expérimenter des dispositifs anti-vie-chère sans attendre l’aval de Bercy.
Enfin, réduire la différenciation à un “mauvais parfum du séparatisme” est une caricature.
La différenciation statutaire est inscrite dans la Constitution (art. 73 et 74), appliquée en Polynésie, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, et demain en Corse.
Nul ne songe à les exclure de la République : au contraire, ces régimes permettent un lien plus équilibré parce qu’ils reposent sur la reconnaissance des réalités locales.
Le vrai risque aujourd’hui, ce n’est pas d’ouvrir le débat statutaire ; c’est de ne pas l’ouvrir.
C’est de laisser, dans le silence et l’inaction, les rapports de force actuels décider seuls de notre futur.
La responsabilité des élus n’est pas de protéger ces équilibres-là ; elle est de bâtir les conditions pour que la décision publique serve d’abord l’intérêt général martiniquais.
Et cela passe, qu’on le veuille ou non, par un cadre institutionnel qui nous donne enfin la capacité d’agir sur les priorités du plus grand nombre : du peuple Martiniquais.