Le Congrès des élus n’est pas une fiction institutionnelle ou le désir d’un petit groupe d’élus. C’est un moment de vérité et de démocratie par lequel les représentants du peuple martiniquais dépassent les clivages pour trouver ensemble les voies politiques, règlementaires, normatives et administratives permettant de répondre aux attentes et aux besoins de la population.

Ce rendez-vous est à la fois un moment de lucidité, pour nommer sans détour les difficultés rencontrées sur la route du développement endogène et un moment de responsabilité, pour apporter des solutions à la hauteur des attentes des martiniquais.
Organes démocratiques par excellence, les précédents Congrès des élus de Martinique ont déjà permis des clarifications ainsi que des avancées comme la création de la collectivité unique le 1er janvier 2016 et l’inscription de la Martinique dans le cadre de la révision constitutionnelle annoncée par le Président de la République, Emmanuel MACRON.
Un Congrès préparé en toute transparence et fondé sur le consensus
En concertation avec le Président SALIBER, nous avons pris l’initiative d’organiser une série de consultations des élus, des partenaires sociaux, des représentants patronaux et des acteurs de la société civile, dans le cadre de la préparation du Congrès. Ces consultations sont nécessaires et permettent l’expression de toutes les opinions, qu’elles soient convergentes ou divergentes.
Au-delà de celles-ci, toutes les forces vives martiniquaises seront également amenées à échanger dans le cadre des débats citoyens qui seront organisés par le CESECEM avant et après le Congrès des élus.
La division nait des approximations et des non-dits. Trop souvent, les Martiniquais se sont divisés sur l’autel de leurs divergences, alors que ce que nous rassemble tous, est bien plus fort : la conviction que les politiques mises en œuvre en Martinique doivent répondre aux enjeux prégnants du pays ; la conviction que ces politiques doivent permettre notre développement ; la conviction que ces politiques doivent tenir compte de ce que nous sommes, de notre Histoire, de notre langue, de notre culture et de ce que à quoi nous aspirons.

Le constat est clair. Si des sensibilités différentes s’expriment, un large consensus existe sur la nécessité de tenir ce Congrès dans les délais annoncés.
Un Congrès avec trois objectifs clairs
Le Congrès d’octobre prochain portera sur trois axes :
1. La domiciliation, en Martinique, d’un pouvoir normatif autonome permettant aux élus du pays de disposer de pouvoirs et de moyens pour adapter des normes nationales et édicter localement des normes qui répondent aux réalités locales, tout en demeurant pleinement dans la République et l’égalité des droits
2. La définition des piliers d’un développement endogène et structurant pour notre pays : l’autonomie alimentaire, l’accès au foncier, l’accès aux soins et à l’emploi, la transition et l’autonomie énergétique, l’insertion régionale et la lutte contre la vie chère
3. L’adoption d’une méthodologie précisant les modalités ainsi que le calendrier de négociation avec l’ensemble de la population Martiniquaise puis avec le Gouvernement.
Aucun changement institutionnel ou statutaire ne peut intervenir sans la consultation au préalable de la population dans le cadre d’un référendum martiniquais.
Ces priorités ne sont pas abstraites. Elles visent des résultats directs pour la vie quotidienne : plus d’opportunités économiques, une meilleure maîtrise des prix, davantage de sécurité sociale et alimentaire et une place renforcée pour la Martinique dans son environnement caribéen.
Un Congrès pour répondre aux défis à surmonter ensemble
La Martinique traverse aujourd’hui une période critique. Les violences et trafics illicites menacent la sécurité des martiniquais et la cohésion sociale. Le coût de la vie est inacceptable et pèse trop lourdement sur les ménages. Notre population diminue chaque année. Les entreprises font face à un rétrécissement de leur marché et à un tarissement de la consommation. Nous dépendons quasi exclusivement de ce que nous importons de l’hexagone et de l’étranger. Nous avons de plus en plus de mal à nous loger décemment. Nous attendons parfois 6 à 12 mois avant d’obtenir une consultation médicale chez un spécialiste. De nombreux jeunes s’interrogent sur leurs perspectives d’avenir et quittent la Martinique pour l’Hexagone ou l’étranger. La Martinique n’est plus synonyme de réussite pour beaucoup de Martiniquais.
Alors comment apporter des solutions à nos maux ?
Comment permettre l’installation de médecins spécialistes et de leurs familles originaires de l’étranger alors que la France durcit les conditions d’obtention de visas ? Comment adapter localement la fiscalité pour soulager nos petites et moyennes entreprises, nos travailleurs indépendants et autoentrepreneurs ? Comment reconnaitre la pluriactivité et la plus-value de nos « Michel Morin » ? Comment permettre à nos entreprises de se fournir dans la Caraïbe en produits bruts et d’y revendre des produits finis ? Comment diversifier nos sources d’approvisionnement en nourriture pour diminuer le coût des importations depuis l’Europe ? Comment encadrer le prix des loyers par zone et par type de logement ? Comment adapter le Code du Travail à nos contraintes et à nos atouts ? Comment connecter la Martinique au Monde, à l’Afrique et aux Amériques sans passer par Paris ? Comment stopper l’hémorragie foncière et réserver nos terres à nos frères et sœurs et à ceux qui vivent et construisent avec nous la Martinique de demain ? Comment prioriser localement nos cadres martiniquais sur des postes ouverts à la France entière ? Comment légiférer localement sur les énergies, l’eau potable et l’assainissement ? Comment préserver nos terres agricoles et nos bourgs de la prédation économique d’un petit groupe ?
NON, le Congrès n’est pas un rendez-vous protocolaire ou un faire-valoir. Il est la clé du développement et de l’émancipation d’un peuple.
Frantz Fanon disait que « chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, l’accomplir ou la trahir. »
Il s’agit aujourd’hui d’unir toutes les forces martiniquaises pour apporter des réponses à l’urgence sociale, restaurer la confiance dans la capacité collective à agir et obtenir les leviers institutionnels nécessaires pour bâtir l’avenir.
Nous devons nous regrouper autour de ces enjeux d’importance pour faire gagner la Martinique.
Nous devons parler d’une même voix pour obtenir les moyens d’un autre développement permettant de lutter efficacement contre les inégalités et la pauvreté, de mieux répartir les richesses produites par le travail des Martiniquais, de casser les déterminismes de la reproduction sociale pour créer un vivre-ensemble plus harmonieux et respectueux de nos valeurs de solidarité.
Nous devons nous unir pour écrire une autre page pour la Martinique, celle d’une responsabilisation collective forte de notre autorité intérieure, de notre résilience historique, grâce à un pacte sociétal concerté.
Serge LETCHIMY, Président du Conseil Exécutif de Martinique
Lucien SALIBER, Président de l’Assemblée
Jean-Claude DUVERGER, 1er Vice-président de l’Assemblée de Martinique



