Le baromètre ETOM, commandité par le MoDem, conclut que les Martiniquais seraient majoritairement attachés au statu quo institutionnel, 56 % souhaitant « maintenir les relations actuelles avec la France ». Mais ce résultat est loin d’être aussi concluant qu’on le présente.
D’abord, une majorité de 56 % n’est pas écrasante : cela signifie que près d’un Martiniquais sur deux n’adhère pas pleinement à cette orientation, ou au minimum s’interroge. Le fait que 44 % des personnes sondées expriment un doute ou un rejet relatif du statu quo relativise fortement l’idée d’un consensus.
Un autre chiffre retient l’attention : 68 % des personnes interrogées déclarent ne pas faire confiance aux élus de la CTM pour assumer davantage de responsabilités. Ce résultat traduit moins un refus de l’autonomie qu’une défiance envers la classe politique locale, perçue comme inefficace, divisée et parfois déconnectée des réalités quotidiennes. Les problèmes persistants – eau potable, transports, gestion des déchets, hôpitaux en crise – nourrissent l’idée que les élus ne parviennent déjà pas à gérer les compétences actuelles, ce qui alimente logiquement la crainte d’un élargissement de leurs pouvoirs.
Cette défiance, souvent généralisée à « tous les élus », peut ainsi fausser l’interprétation du sondage : le rejet ne porte pas nécessairement sur l’idée d’autonomie ou de différenciation statutaire, mais sur les acteurs actuels chargés de les mettre en œuvre. Autrement dit, ce n’est pas l’autonomie en soi qui est massivement refusée, mais la manière dont elle est incarnée.
Enfin, replacer ces résultats dans le contexte régional change la perspective. Les pays voisins de la Caraïbe – Sainte-Lucie, Dominique, Jamaïque, Trinidad – ont tous connu une relation coloniale ou métropolitaine avant d’accéder à l’indépendance ou à une autonomie renforcée. Aucun n’a souhaité revenir en arrière. Ce constat montre que l’actuel système de rattachement à la France, s’il assure certains avantages sociaux, expose aussi la Martinique et la Guadeloupe à des désavantages structurels : dépendance économique, blocages institutionnels et incapacité chronique à peser dans leur environnement régional.
Ainsi, si les résultats du sondage révèlent à la fois un attachement relatif au cadre républicain et une méfiance envers les élus, ils ne suffisent pas à clore le débat.
La véritable question n’est pas de savoir si les Martiniquais « veulent » ou non l’autonomie, mais de comprendre pourquoi ils n’ont pas confiance dans ceux qui prétendent la porter, et surtout de construire un projet crédible, à la hauteur des attentes sociales et des enjeux régionaux.



