Neuf mois après son arrivée à Matignon, François Bayrou a été désavoué lundi 8 septembre par l’Assemblée nationale. Le Premier ministre n’a pas obtenu la confiance des députés, malgré un discours solennel sur l’urgence de redresser les finances publiques. L’échec, attendu mais spectaculaire, ouvre une séquence politique incertaine où les appels à la dissolution se multiplient.
Un plaidoyer dramatique sur la dette
« Le pronostic vital de la France est engagé. » Devant les députés, François Bayrou a mis en garde contre le surendettement de l’État et les déficits publics. Le chef du gouvernement a voulu se présenter en pédagogue austère, rappelant que « les politiciens peuvent faire tomber le gouvernement, mais ils ne peuvent pas fuir la réalité ».
Ce discours, marqué par la défense d’un plan de rigueur controversé — incluant la suppression de jours fériés — n’a pas convaincu.
Sur 558 votants, 364 ont refusé la confiance, contre seulement 194 favorables.
La gauche revendique sa victoire
À la sortie du vote, Mathilde Panot (LFI) a salué « l’heure de vérité » du gouvernement Bayrou, en affirmant qu’Emmanuel Macron n’avait plus la légitimité pour gouverner. Jean-Luc Mélenchon a demandé au président de « tirer lui aussi les conséquences » et d’envisager son départ.
Le Parti socialiste a adopté une ligne plus constructive : Olivier Faure a proposé la constitution d’un gouvernement de gauche, capable de bâtir une majorité « au cas par cas », projetant ainsi l’image d’une alternative possible.
Le RN réclame une dissolution immédiate
Marine Le Pen, elle, a profité de la défaite de Bayrou pour placer Emmanuel Macron au centre des critiques. Elle l’a accusé d’être « le promoteur de l’instabilité » et a réclamé des élections législatives anticipées, assurant que le Rassemblement national était prêt à gouverner. « Seule une nouvelle majorité sortie des urnes pourra rétablir l’ordre et la stabilité », a-t-elle affirmé.
La droite refuse l’alignement
Laurent Wauquiez, président de LR, a lui aussi rejeté la ligne budgétaire du gouvernement sortant, tout en récusant l’idée de participer à une coalition de gauche. « La France a besoin d’une fiscalité plus juste et d’un État qui soutienne les travailleurs, pas d’un bricolage permanent », a-t-il déclaré, cherchant à maintenir une posture d’indépendance.
Macron face à l’impasse
La défaite de Bayrou illustre la fragmentation extrême de l’Assemblée nationale, issue des législatives de 2024. Emmanuel Macron doit désormais nommer un nouveau Premier ministre, le cinquième en moins de deux ans. Mais les marges de manœuvre s’annoncent étroites : une dissolution risquerait d’amplifier l’instabilité, alors qu’une reconduction rapide d’un gouvernement minoritaire ne réglerait rien.
La France s’installe ainsi dans une crise politique durable, marquée par l’incapacité à dégager une majorité claire.
Les protagonistes
François Bayrou, le pédagogue solitaire
À 74 ans, l’ancien ministre de l’Éducation nationale rêvait de renouer avec la tradition de Pierre Mendès France, celle d’un Premier ministre austère mais respecté. Il n’aura finalement incarné qu’un professeur isolé, multipliant les mises en garde sans réussir à transformer sa pédagogie en action politique.
Mathilde Panot, la voix offensive de LFI
La présidente du groupe insoumis à l’Assemblée a fait de la chute de Bayrou une victoire symbolique. Elle réclame la dissolution et se positionne comme l’une des figures de proue d’une gauche combative, prête à disputer le pouvoir.
Marine Le Pen, en embuscade
Cheffe du Rassemblement national, elle voit dans la crise l’occasion d’accélérer son chemin vers le pouvoir. En exigeant des élections anticipées, elle tente de capitaliser sur la lassitude d’une opinion publique gagnée par la défiance.
Laurent Wauquiez, l’équilibriste de la droite
Président des Républicains, il refuse toute alliance qui brouillerait son identité politique. Il cherche à incarner une alternative conservatrice et réformatrice, sans s’aligner ni sur la gauche, ni sur l’extrême droite.
Jean-Paul Blois