Alors que la Martinique prépare de nouvelles réflexions institutionnelles et économiques, l’exemple de plusieurs petits États insulaires à travers le monde démontre qu’il est possible de conjuguer petite taille et prospérité. Singapour, Malte, l’île Maurice ou encore la Barbade montrent qu’une économie insulaire peut atteindre un haut niveau de développement dès lors qu’elle s’appuie sur l’ouverture, la diversification et une gouvernance stable.
Avec moins de six millions d’habitants et une superficie comparable à celle de la Martinique, Singapour est devenu l’archétype du « miracle insulaire ». La cité-État a su transformer sa position stratégique en hub portuaire et aérien mondial, bâtissant sa prospérité sur la finance, la logistique et l’innovation technologique. Son PIB par habitant dépasse aujourd’hui 88 000 dollars, l’un des plus élevés au monde.
À l’autre bout de la Méditerranée, Malte, qui compte à peine 540 000 habitants, a suivi une trajectoire différente mais tout aussi significative. Dépourvu de ressources naturelles, ce petit État a misé sur le tourisme, les services financiers et le numérique, notamment dans les secteurs des jeux en ligne et de l’audiovisuel. Avec un PIB par habitant de 33 000 dollars, il dépasse la moyenne européenne.
L’île Maurice constitue un autre exemple marquant de reconversion économique. Ancienne monoculture sucrière coloniale, elle a progressivement diversifié son économie vers le textile, le tourisme balnéaire, les services financiers et les technologies de l’information. Sa stabilité politique et ses accords commerciaux ciblés lui permettent aujourd’hui d’afficher un PIB par habitant de 12 500 dollars.
Dans la Caraïbe, la Barbade et les Bahamas se distinguent par un modèle reposant sur le tourisme haut de gamme et les services financiers offshore. Malgré leur vulnérabilité aux chocs extérieurs, ces pays figurent parmi les plus prospères de la région, avec respectivement 19 000 et 36 000 dollars de PIB par habitant.
Le contraste est frappant avec la Martinique.
Dotée d’une population d’environ 360 000 habitants et d’un PIB par habitant estimé à 25 000 dollars, elle bénéficie d’infrastructures modernes et de son appartenance à l’Union européenne, mais reste largement dépendante des transferts publics et des importations.
Là où Maurice a bâti un secteur financier régional, la Martinique ne dispose pas encore d’une véritable place bancaire internationale. Là où Singapour s’est imposée comme un hub logistique, Fort-de-France peine à se positionner au cœur du commerce caribéen. Là où Malte attire les entreprises du numérique, la Martinique n’a pas encore transformé son potentiel créatif en filière exportatrice.
Pourtant, le potentiel est réel.
La Martinique dispose d’atouts majeurs qui pourraient être mobilisés afin de bâtir une économie plus diversifiée. Dans le domaine énergétique, son volcanisme, son ensoleillement et son potentiel éolien pourraient en faire un modèle d’autonomie durable, à l’image de l’Islande qui a su s’appuyer sur la géothermie et l’hydroélectricité. Dans l’agroalimentaire, l’île pourrait valoriser ses productions locales en développant une filière premium autour du rhum, du cacao, des épices et des fruits tropicaux, à l’image de Maurice qui a transformé sa filière sucrière.
Les industries culturelles et créatives offrent un autre champ d’opportunités.
La Martinique peut s’enorgueillir d’un double héritage reconnu à l’échelle mondiale. En 2020, la yole ronde a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, consacrant le savoir-faire des charpentiers de marine et l’attachement populaire à une embarcation devenue symbole identitaire. Chaque saison le Tour des Yoles illustre cette vitalité, rassemblant la population autour d’un événement sportif et festif unique.
Un an plus tard, en 2021, l’île a obtenu le label « réserve de biosphère », qui valorise ses reliefs. Ce double statut souligne que la Martinique dispose d’atouts culturels et naturels pouvant servir de leviers pour un développement durable et attractif.
Le tourisme durable représente également une voie d’avenir, fondée sur la biodiversité, le volcanisme et le patrimoine historique, capable d’attirer une clientèle internationale plus exigeante et moins dépendante du tourisme de masse.
Enfin, la position stratégique de la Martinique au cœur de la Caraïbe, combinée à son statut européen, pourrait lui permettre de développer une offre régionale en services financiers, en fintech et en finance climatique, en lien avec la CARICOM et l’Union européenne.
Ces exemples étrangers démontrent que la réussite insulaire ne dépend pas seulement de ressources naturelles ou d’une taille critique, mais d’une vision claire et de choix politiques structurants.
Pour la Martinique, l’enjeu est de transformer une économie dominée par les transferts publics en un modèle reposant sur la création de richesse endogène, l’innovation et l’intégration régionale. Loin d’être une utopie, cette ambition est déjà une réalité pour d’autres îles du monde qui, confrontées aux mêmes contraintes, ont su en faire des leviers de prospérité.
Ces expériences étrangères démontrent que la réussite insulaire ne dépend pas seulement de ressources naturelles ou d’une taille critique, mais avant tout d’une vision claire et de choix politiques structurants. Pour la Martinique, l’enjeu est de transformer une économie dominée par les transferts publics en un modèle reposant sur la création de richesse endogène, l’innovation et l’intégration régionale.
Loin d’être une utopie, cette ambition est déjà une réalité pour d’autres îles du monde qui, confrontées aux mêmes contraintes, ont su en faire des leviers de prospérité. La Martinique dort encore dans l’ombre de son histoire, mais nul sommeil n’est éternel : son éveil viendra d’un élan commun.
Gérard Dorwling-Carter