Après plus de vingt années de négociations aux Nations unies, le traité sur la haute mer, dit BBNJ, a franchi une étape décisive. Le 19 septembre 2025, avec le dépôt des ratifications par le Maroc et la Sierra Leone, le texte a atteint le seuil de soixante ratifications requises pour entrer en vigueur. Ce sera le cas fin janvier 2026, soit cent vingt jours après l’annonce.
Il s’agit du premier cadre juridique international spécifiquement conçu pour protéger la haute mer, qui couvre près de la moitié de la surface de la planète et plus de soixante pour cent des océans, jusqu’ici dépourvus de régime de gouvernance contraignant.
Le traité vise à encadrer la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans ces zones qui n’appartiennent à aucun État. Il permettra notamment la création d’aires marines protégées, sur la base de données scientifiques, afin de préserver des écosystèmes vitaux pour l’humanité. Il impose également des évaluations d’impact pour toute activité susceptible de perturber l’environnement marin et consacre le principe d’un partage juste et équitable des ressources génétiques marines. Ces dispositions, très attendues, visent à mettre fin à une situation de vide juridique qui favorisait jusqu’ici la surpêche, la pollution ou les velléités d’exploitation minière en eaux profondes.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a salué « une réussite historique pour l’océan et pour le multilatéralisme », rappelant que l’humanité affronte une triple crise – changement climatique, perte de biodiversité et pollution. De son côté, l’ambassadeur français pour les océans, Olivier Poivre d’Arvor, a insisté sur le caractère presque « anachronique » de ce traité dans un contexte international marqué par l’isolationnisme et le climatoscepticisme. La France, deuxième domaine maritime du monde, est à ce jour le seul pays du G7 à l’avoir ratifié, tandis que les États-Unis et la Russie restent en retrait.
Aujourd’hui, seulement un pour cent de la haute mer bénéficie de mesures de conservation, alors que la communauté internationale s’est engagée lors de la COP15 biodiversité à protéger trente pour cent des terres et des océans d’ici 2030. Le nouveau traité est donc un outil indispensable pour atteindre cet objectif. Les premières aires marines protégées pourraient voir le jour dès la fin de la décennie, comme celle proposée par le Chili autour des dorsales de Nazca et de Salas y Gomez, dans le Pacifique.
L’entrée en vigueur du traité ne marquera cependant que le début d’un long chantier. La future Conférence des Parties (COP), organe de décision du texte, devra composer avec d’autres instances existantes, comme les organisations régionales de pêche ou l’Autorité internationale des fonds marins, qui continue de délivrer des contrats d’exploration minière. Le président Emmanuel Macron a confirmé que la France défendra l’application rigoureuse du traité et s’opposera à toute exploitation des grands fonds marins.
Dans un océan de mauvaises nouvelles, selon les mots d’Olivier Poivre d’Arvor, ce traité représente un océan de solutions. Son universalisation reste l’enjeu majeur : à ce jour, cent quarante-trois pays l’ont signé, mais il faudra encore convaincre les grandes puissances maritimes réticentes pour en faire un outil pleinement efficace de protection des océans.