Le constat est connu : la Martinique vit d’une économie artificiellement gonflée par les transferts publics, tandis que son appareil productif stagne, peu diversifié et fragile face aux chocs extérieurs. Pourtant, le potentiel existe, immense, et pourrait renverser ce paradigme négatif si une volonté politique, collective et cohérente s’affirmait enfin.
Former et retenir les talents
Le premier levier est la formation, non pas seulement académique mais professionnelle, technique et entrepreneuriale. Il s’agit de développer des compétences adaptées aux besoins futurs : ingénierie des énergies renouvelables, transformation agroalimentaire, métiers du numérique, gestion du patrimoine naturel et culturel. La Martinique doit créer des passerelles entre l’université, les centres de formation et les entreprises, afin que ses jeunes trouvent localement des perspectives d’emploi et d’innovation au lieu de s’exiler.
Investir dans les secteurs stratégiques
Le deuxième levier est l’investissement productif. Le volcanisme, l’ensoleillement et le potentiel éolien font de la Martinique un territoire capable de devenir une vitrine mondiale de l’autonomie énergétique, à l’image de l’Islande avec la géothermie. De même, l’agroalimentaire peut se transformer en filière premium autour du rhum, du cacao, des épices et des fruits tropicaux, comme Maurice a su le faire avec sa canne à sucre. Ces investissements exigent une stratégie publique assumée, mais aussi un accompagnement du secteur privé, avec des incitations claires et stables. Il en est de même pour la petite agriculture qui peine à survivre…
Adapter la fiscalité et stimuler l’innovation
La fiscalité doit être un outil de transformation et non un frein. Des incitations ciblées pour la production locale, l’innovation et la transformation des matières premières locales sont indispensables. Il ne s’agit pas de subventionner à perte, mais de conditionner les allègements fiscaux et les aides à la création de valeur ajoutée en Martinique, à l’emploi local et à l’intégration régionale. La fiscalité doit aussi soutenir l’économie circulaire et les industries culturelles, souvent négligées mais créatrices d’emplois et porteuses d’identité.
Construire la cohésion sociale et économique
Aucune transformation n’est possible sans cohésion. Le modèle actuel divise : d’un côté, des importateurs et des rentes de situation ; de l’autre, une jeunesse frustrée et contrainte à l’exil. La cohésion implique d’ouvrir les marchés à la concurrence loyale et de favoriser les circuits courts. Elle suppose également de valoriser les savoir-faire traditionnels – yole ronde, charpenterie navale, artisanat – en les intégrant à un modèle économique viable et moderne.
Assumer une volonté politique ferme
Enfin, tout repose sur la volonté politique. Les exemples étrangers sont clairs : l’Islande, Maurice ou Singapour n’ont pas attendu que d’autres dessinent leur avenir. Ils ont fait des choix audacieux, parfois impopulaires, mais décisifs. La Martinique dort encore dans l’ombre de son histoire, mais nul sommeil n’est éternel. Son éveil viendra d’un sursaut collectif, d’élus déterminés à rompre avec l’assistanat, le clientélisme, d’entrepreneurs prêts à prendre des risques, et d’une population convaincue que son destin ne peut se réduire à importer pour consommer.
La réussite insulaire ne dépend pas de la taille, ni seulement des ressources naturelles, mais de la capacité à tracer une vision et à s’y tenir. Pour la Martinique, l’heure n’est plus aux constats ni aux lamentations, mais à l’action
Gérard Dorwling-Carter