À moins de deux ans de l’échéance présidentielle de 2027, le scénario d’une alternance en faveur du Rassemblement national paraît de plus en plus crédible. Mais dans les cercles politiques, une autre hypothèse, plus lointaine, circule déjà : celle d’un retour d’Emmanuel Macron, juridiquement possible en 2037, après une décennie de retrait.
Une règle constitutionnelle stricte
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels consécutifs. Élu en 2017 puis réélu en 2022, Emmanuel Macron sera donc empêché de briguer un troisième mandat en 2027. En théorie, il pourrait cependant se représenter après une alternance, comme l’autorise l’article 6 de la Constitution de 1958. L’échéance la plus proche serait donc 2037, soit après un mandat complet exercé par un autre président.
Le RN favori de 2027, mais sous contraintes
Tous les sondages récents placent Jordan Bardella, président du RN, en tête ou à égalité avec Édouard Philippe pour 2027. La condamnation de Marine Le Pen assortie d’une inéligibilité de cinq ans (appel en cours, mais non suspensif) a consolidé la trajectoire Bardella. Mais une victoire du RN à l’Élysée ne réglerait pas tout : avec un Parlement fragmenté depuis 2024, le parti d’extrême droite ne disposerait probablement pas d’une majorité stable. L’exercice du pouvoir serait donc contraint par l’arithmétique parlementaire, la pression des marchés financiers – la dette française vient d’être dégradée par l’agence Fitch à A+ – et les engagements européens, notamment en matière budgétaire et agricole.
Le spectre d’un « arc républicain »
Face à cette perspective, certains imaginent une coalition de partis centristes, de gauche et de droite modérée pour bloquer l’accès du RN à l’Élysée. Les législatives anticipées de 2024 ont montré la capacité des forces d’opposition à limiter l’emprise lepéniste, mais au prix d’une instabilité chronique. Rien n’exclut qu’un compromis minimal, autour du pouvoir d’achat et de la discipline budgétaire, puisse émerger en 2027 pour contrer le RN. Ce scénario exigerait une candidature unique du centre, possiblement Édouard Philippe, et une coordination avec une gauche encore divisée.
Le pari du « recours Macron »
Dans ce contexte, une question affleure : Emmanuel Macron nourrit-il l’idée de revenir plus tard, après un mandat RN ou une alternance chaotique, en se posant comme recours républicain ? Le président lui-même a laissé entendre qu’il se projetait « à deux, cinq ou dix ans ». À 59 ans en 2037, il pourrait, en droit, briguer un troisième mandat non consécutif, comme d’autres dirigeants l’ont fait à l’étranger. Ce scénario supposerait toutefois que le RN échoue au pouvoir, que le centre survive politiquement et que Macron conserve l’assise et l’envie nécessaires.
Une équation incertaine
La perspective d’un retour macronien ne relève pas d’une impossibilité juridique, mais d’une hypothèse politique fragile. Tout dépendra de la séquence 2027-2032 : une alternance réussie du RN, ou au contraire une incapacité à gouverner, conditionnerait le rôle de Macron comme « sauveur » de l’État. En attendant, le jeu se concentre sur la prochaine présidentielle, où l’alternative se dessine entre un RN conquérant mais contraint, et une coalition républicaine encore hypothétique.
Jean-Paul BLOIS