La France est entrée en 2024 avec des finances publiques fragilisées. Après la pandémie, les boucliers énergétiques et plusieurs baisses d’impôts non compensées, le déficit public s’élevait en 2023 à 5,5 % du PIB et la dette avoisinait 110 % du PIB. Dans une note publiée en juillet 2024, le Conseil d’analyse économique (CAE) trace les contours d’une trajectoire de redressement budgétaire « modérée mais soutenue », condition indispensable pour restaurer la crédibilité financière du pays.
Un ajustement historique à engager
Selon les auteurs, la France doit dégager à moyen terme un excédent primaire de 1 % du PIB – c’est-à-dire un solde positif avant intérêts de la dette – pour stabiliser puis réduire son endettement. En pratique, cela suppose un ajustement de 4 points de PIB, soit environ 112 milliards d’euros, par rapport au déficit primaire structurel observé en 2023.
L’effort devrait s’étaler sur 7 à 12 ans, avec une première impulsion plus forte dès le départ. Une consolidation trop rapide risquerait d’étouffer la croissance, mais un rythme trop lent menacerait la soutenabilité de la dette, estiment les économistes.
Des vents contraires puissants
La trajectoire budgétaire est d’autant plus délicate qu’elle devra absorber plusieurs pressions structurelles :
- le vieillissement démographique, qui pourrait alourdir les dépenses de retraites de près de 2 points de PIB d’ici 2070 si la productivité ralentit,
- la transition énergétique, nécessitant au moins 1 point de PIB supplémentaire d’investissements publics à l’horizon 2030,
- et le renforcement des dépenses de défense dans un contexte géopolitique tendu.
Dépenses mieux ciblées et recettes mieux calibrées
Le CAE privilégie un ajustement axé sur la maîtrise des dépenses publiques, qui atteignaient 55 % du PIB en 2023, soit près de 8 points au-dessus de la moyenne européenne. Mais un mix équilibré reste nécessaire. Parmi les pistes évoquées figurent :
- le recentrage des aides à l’apprentissage sur les jeunes les moins qualifiés (économie estimée à 4 Md€),
- la remise en cause de certaines exonérations de cotisations au-delà de 2,5 SMIC (2 Md€),
- une réforme du crédit impôt recherche ciblée sur les PME (2,5 Md€),
- ou encore la suppression de niches fiscales sur les successions (9 Md€).
Une gouvernance à repenser
Enfin, le CAE insiste sur la nécessité de renforcer le cadre institutionnel. Le Haut Conseil des finances publiques devrait, selon lui, disposer de compétences élargies pour produire des prévisions indépendantes, chiffrer les mesures nouvelles et analyser la soutenabilité à long terme. Une telle réforme alignerait la France sur les meilleures pratiques européennes.
Une équation politique à résoudre
La conclusion est sans appel : avec des taux d’intérêt proches de la croissance, il n’y aura pas de « miracle macroéconomique » permettant de réduire la dette sans effort. La soutenabilité dépendra d’un choix assumé : engager un ajustement crédible, soutenu dans le temps, et fondé sur une meilleure qualité de la dépense publique.
Jean-Paul BLOIS