Par un contributeur du Compass journal
Réduire les droits d’importation sur les aliments sains, tels que les fruits et légumes, pourrait améliorer la santé des habitants des îles Caïmans.
Par Simon Cawdery
Les Caïmanais devraient être révoltés. Ils meurent plus tôt qu’ils ne le devraient, de maladies évitables, tout en payant des frais de santé plus élevés qu’il ne serait nécessaire.
Regardons les faits : à la page 54 du Compendium of Statistics 2023 du Bureau des statistiques et de l’économie, on trouve un chiffre accablant : 37 % des décès aux îles Caïmans sont dus à des maladies cardiovasculaires.
Comparé à d’autres pays, ce pourcentage est extrêmement élevé. Pour le dire crûment, les Caïmanais meurent de quelque chose qui pourrait être évité.
Pays sélectionnés
% de décès attribués aux maladies cardiovasculaires
- Moyenne mondiale : 32 %
- Caïmans : 37 %
- Royaume-Uni : 25 %
- États-Unis : 30 %
- Suisse : 30 %
- Espagne : 28 %
- Japon : 28 %
- France : 25 %
- Canada : 25 %
Sources : Organisation mondiale de la santé et Bureau des statistiques et de l’économie des Caïmans
Il en va de même pour le diabète de type 2. Aux Caïmans, 6,2 % des décès sont dus au diabète de type 2, contre 3,8 % au niveau mondial. La génétique seule n’explique pas un tel écart.
Le constat est simple, brutal et désagréable : nos comportements et notre mode de vie, combinés à de mauvaises politiques publiques, sont la cause directe de décès précoces et évitables aux îles Caïmans.
Alimentation et fiscalité : une obsession salutaire
Voici une statistique choquante :
Les Caïmanais paient une taxe de 17 % sur chaque fruit ou légume consommé. Pourquoi ? Qui a jugé bon de rendre la nourriture saine plus chère ? Nous taxons notre santé. Le gouvernement est-il à ce point en manque d’argent ?
Il faut changer cela. Le gouvernement devrait exonérer temporairement de taxe les fruits et légumes. Cela coûterait environ 13 millions de dollars de recettes perdues. Mais cela pourrait être compensé par :
- l’augmentation des taxes sur les produits sucrés, gras ou transformés, jusqu’à 75 % (comme la taxe soda au Royaume-Uni) ;
- l’augmentation des frais de licence des fast-foods, comme cela se pratique ailleurs.
Réduire la fiscalité sur les aliments sains et l’augmenter sur les aliments malsains inciterait les gens à mieux manger et améliorerait leur santé. C’est une mesure évidente que tout gouvernement devrait adopter immédiatement.
Aussi sucré que le sucre
De nombreux pays ont compris le danger que représentent le sucre, certains graisses et les aliments ultra-transformés pour la santé. Leur réponse a été de taxer ces produits, réduisant ainsi leur consommation.
L’exemple britannique est parlant : en 2015, le Royaume-Uni a introduit une taxe sur le sucre des sodas. Depuis, la consommation de sucre dans ces boissons a baissé (ventes en recul des sodas très sucrés, hausse des boissons moins sucrées) et l’obésité infantile a reculé. Comment pourrait-on s’opposer à cela ? Ne souhaitons-nous pas que les enfants caïmanais soient plus sains, plus sportifs et vivent plus longtemps ?
Un calcul simple : les Caïmans dépensent actuellement 22 millions de dollars US par an pour des produits sucrés. En taxant davantage, on pourrait engranger 11 millions supplémentaires. Cela compenserait presque entièrement le coût de la subvention aux fruits et légumes, tout en réduisant la consommation de sucre. Et ce n’est que pour le sucre : étendu aux graisses et produits transformés, le rendement fiscal couvrirait sans peine la perte de recettes, même en tenant compte de l’évolution des comportements.
Ensemble, ces mesures pourraient améliorer la santé publique tout en maintenant la neutralité budgétaire.
Sécurité alimentaire : un gouffre de 75 millions
Les Caïmans dépensent 75 millions de dollars en importations de fruits et légumes. C’est une vulnérabilité majeure. Rien ne garantit que les pays exportateurs ne prendront pas demain des mesures pour rendre ces produits plus chers, voire pour cesser de les vendre. Dans un monde traversé de guerres commerciales, de tarifs douaniers et de tensions, les Caïmans doivent viser l’autonomie alimentaire pour leur propre sécurité nationale.
Il est rare que je plaide pour que l’État subventionne ou investisse. Normalement, le secteur privé est plus efficace. Mais la sécurité alimentaire et la santé publique ne sont pas des enjeux ordinaires. Près de 100 % des fruits et légumes frais des Caïmans sont importés. Cela les rend chers (transport, conservation réfrigérée) et place notre approvisionnement à la merci des politiques étrangères.
Or la science a beaucoup progressé. Imaginons que les Caïmans puissent produire l’intégralité de leurs fruits et légumes grâce à l’agriculture verticale. Celle-ci ne nécessite que de l’électricité (le soleil, ici) et de l’eau.
Je propose la création d’un Fonds de capital-risque agricole doté de 5 à 10 millions de dollars US, destiné à investir de manière passive et non décisionnelle dans des entrepreneurs cofinancés par le privé. L’objectif : atteindre l’autonomie alimentaire en dix ans. Les produits seraient moins chers, meilleurs au goût, et les 75 millions actuellement versés à l’étranger circuleraient dans l’économie locale, finançant des emplois et un secteur scientifique et agricole innovant, avec un potentiel d’exportation.
Cela existe déjà à petite échelle aux Caïmans, et à grande échelle en Jamaïque. Il faut désormais un coup d’accélérateur pour lancer une véritable révolution agricole caïmanaise, qui réduira les coûts, améliorera la santé publique et assurera l’indépendance alimentaire dans un monde incertain.
Une fois cette autosuffisance atteinte, le gouvernement pourra réintroduire des droits d’importation ciblés, afin de favoriser la production locale et soutenir les agriculteurs caïmanais.
L’avenir sain des Caïmans
La santé est une question existentielle. Mal gérée, elle conduit à la mort.
Les Caïmans doivent être fiers de leur histoire et du chemin parcouru. Mais il ne faut pas s’endormir. Pour être prêts à affronter les décennies à venir, ils doivent engager des réformes radicales pour réduire les coûts, protéger leur approvisionnement alimentaire et permettre à leur population de vivre plus longtemps et en meilleure santé, avec moins de recours au système médical.
Ces réformes sont réalisables. Elles contribueraient à un avenir plus sain pour les Caïmans. Oui, elles provoqueront des bouleversements. Mais au vu des statistiques accablantes, l’inaction n’est plus justifiable.
Les Caïmans ont besoin d’un système efficace et tourné vers l’avenir – pas d’un système qui pénalise la santé et la richesse de leurs habitants.
Simon Cawdery, CFA, est gestionnaire d’investissements et spécialiste en gouvernance, installé aux îles Caïmans. Il écrit régulièrement pour le Compass.