Le 25 septembre, Nicolas Sarkozy a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à cinq ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, avec mandat de dépôt à effet différé. Cette décision, qui marque une étape judiciaire majeure dans un dossier déjà ancien, a suscité une vague de réactions politiques et médiatiques. Dans une tribune, le professeur de droit Philippe Conte analyse la manière dont l’ancien chef de l’État et ses soutiens ont accueilli ce jugement, dénonçant une réception largement déformée par des contre-vérités.
Une décision judiciaire accueillie par un flot de critiques outrancières
Selon lui, les commentaires entendus ces derniers jours relèvent davantage de l’indignation politique que de l’analyse juridique. Nombre d’entre eux ont évoqué une prétendue « violation de l’État de droit », une « persécution judiciaire » ou encore une justice guidée par la haine, allant jusqu’à présenter Nicolas Sarkozy comme une victime plutôt que comme un condamné. Philippe Conte estime que ces discours, souvent outranciers et juridiquement infondés, ont pour objectif de délégitimer la justice et de dresser l’opinion publique contre elle.
L’association de malfaiteurs, une incrimination solidement établie
Revenant au droit, il rappelle que l’infraction d’association de malfaiteurs est prévue par l’article 450-1 du Code pénal, qui sanctionne la constitution d’une entente en vue de préparer crimes ou délits graves. En l’espèce, le tribunal a estimé que Nicolas Sarkozy avait participé à une telle entente avec Claude Guéant, Brice Hortefeux et Ziad Takieddine, dans la perspective de préparer une corruption au sommet de l’État. L’application de cette incrimination ne saurait être qualifiée d’arbitraire : elle répond à la logique de prévention des actes criminels, y compris lorsque les projets n’aboutissent pas.
L’exécution provisoire, une pratique courante du droit français
L’auteur réfute également l’argument selon lequel l’exécution provisoire du mandat de dépôt violerait la présomption d’innocence. Ce mécanisme, souligne-t-il, existe couramment dans le droit français, tout comme la détention provisoire. Nicolas Sarkozy, qui a interjeté appel, reste juridiquement présumé innocent, mais l’exécution provisoire relève d’une pratique courante, qui ne suscite guère de protestation lorsqu’elle concerne des justiciables ordinaires. L’indignation politique ne se manifeste, selon Philippe Conte, que lorsqu’elle touche des responsables de haut rang.
Un discrédit jeté sur la justice plus dangereux que la condamnation elle-même
Au terme de son analyse, Philippe Conte considère que le véritable problème démocratique ne réside pas dans l’action des juges, mais dans l’attitude de responsables politiques qui tentent de discréditer la justice pour se protéger. Cette stratégie, qui repose sur la diffusion de « faits alternatifs » et l’entretien du soupçon, menace davantage l’État de droit que la décision de justice elle-même.
Jean-Paul BLOIS