Face à la recrudescence des échouements d’algues brunes, la Collectivité de Saint-Martin et la Préfecture ont lancé, jeudi 2 octobre, un comité de pilotage (COPIL) consacré à la gestion des sargasses. Objectif : renforcer la coordination entre les services publics, les acteurs économiques et les collectifs citoyens, afin de répondre à un phénomène qui frappe les îles de la Caraïbe depuis plus d’une décennie.
Un front commun face à un fléau persistant
Présidé conjointement par la vice-présidente de la Collectivité, Bernadette Davis, et le secrétaire général de la Préfecture, Fabrice Thibier, ce premier COPIL a réuni autour de la même table les services techniques de l’État et de la Collectivité, la Chambre de commerce et d’industrie (CCISM), le Conseil économique, social et culturel (CESC), la Réserve naturelle ainsi que le Collectif antisargasses.
L’objectif immédiat : dresser un état des lieux exhaustif des moyens disponibles et des besoins futurs.
Selon les chiffres présentés, les coûts de collecte et de traitement des sargasses ont explosé, passant de 700 000 euros en 2022 à une prévision de 4,4 millions d’euros en 2025.
Si l’État participe déjà à ce financement, les élus jugent les aides insuffisantes et appellent à une refonte des dispositifs pour assurer une action durable, coordonnée et adaptée aux spécificités insulaires.
Des projets concrets en cours d’étude
La Collectivité a annoncé la mise en œuvre, à l’été 2026, de deux barrages déviants au large de Cul-de-Sac et de la baie de l’Embouchure.
Ces dispositifs, actuellement en phase d’étude, devraient permettre de rediriger jusqu’à 80 % des algues dérivantes vers des zones de collecte, où un ramassage mécanique assurera leur transfert vers l’éco-site de Grandes Cayes pour traitement.
Entre février et septembre 2025, les équipes ont déjà ramassé près de 14 000 tonnes de sargasses, dont 5 000 tonnes pour le seul mois de juillet.
Les échouements se sont ralentis début octobre, mais les projections font état d’une tendance à l’augmentation dans les années à venir, en lien avec le réchauffement des eaux et la modification des courants atlantiques.
Un enjeu environnemental, économique et sanitaire
Au-delà des nuisances visuelles et olfactives, les échouements massifs de sargasses dégagent des gaz toxiques (sulfure d’hydrogène, ammoniac) qui affectent la santé des riverains et le cadre de vie.
Leur décomposition perturbe les écosystèmes côtiers, réduit l’activité touristique et freine la pêche artisanale.
Le COPIL devra également explorer des voies de valorisation des algues, malgré leur faible teneur en nutriments. Des projets de transformation en biogaz ou en matériaux composites sont à l’étude.
Par ailleurs, les entreprises touchées peuvent recourir au chômage partiel avec l’appui administratif de la CCISM.
Vers une coordination régionale élargie
Pour Bernadette Davis, ce premier COPIL marque une étape nécessaire :
« Il est crucial que les pays concernés se mobilisent pour que notre région bénéficie d’un accompagnement à la hauteur du fléau qui touche nos îles. L’impact sur le cadre de vie et la santé des populations exposées doit être davantage pris en compte. »
Dans cette optique, la Collectivité de Saint-Martin envisage d’organiser en 2026 une conférence régionale aux Antilles, afin de mobiliser les États caribéens, les institutions scientifiques et les bailleurs internationaux.
L’objectif serait de bâtir une stratégie caribéenne commune contre les sargasses, intégrant la prévention, la recherche, la collecte et la valorisation durable.
Une gouvernance renouvelée
Le nouveau comité de pilotage se réunira chaque trimestre et publiera un bilan semestriel des échouements, des coûts et des résultats obtenus.
La Préfecture et la Collectivité affirment leur volonté de faire de ce COPIL un outil de transparence et de suivi, ouvert aux acteurs de la société civile.
À terme, Saint-Martin espère devenir un territoire pilote dans la lutte régionale contre les sargasses, un enjeu à la croisée de la santé publique, de l’économie bleue et de la coopération environnementale caribéenne.
Jean-Paul BLOIS