La nomination de Naïma Moutchou à la tête du ministère des Outre-mer signe un retour du dossier ultramarin dans le giron direct de l’Élysée. Un signal politique fort, mais qui traduit aussi une reprise en main présidentielle.
Des territoires à part entière, mais non identiques
Par leur nature, les territoires d’Outre-mer relèvent du domaine régalien. Malgré leur intégration dans l’organisation administrative de l’État, leurs spécificités, qui varient d’un territoire à l’autre, appellent une administration différenciée. Leur diversité géographique, ethnique et culturelle ainsi que leur éloignement de la métropole interrogent sur leur mode d’ancrage à la France et à l’Europe.
Ouverts aux vents du grand large, ils sont perméables à toutes les idées qui traversent le monde. Il y a lieu de distinguer ces territoires entre eux et de les regrouper dans le concept dit « Outre-mer », dénomination qui tombe sous le sens, vue de la métropole, mais qui est aujourd’hui controversée en raison du rappel, jugé chatouilleux, du passé colonial. On en est aux balbutiements d’une nouvelle expression, « France des océans », qui voudrait faire disparaître la tonalité coloniale du vocable « Outre-mer », tout en en renforçant paradoxalement le sentiment d’appartenance.
Un enjeu géopolitique et régalien majeur
Éparpillés sur autant d’océans que de continents, ces territoires occupent des lieux stratégiques qui constituent des éléments majeurs de géopolitique, à la lisière de la politique étrangère. Depuis le renforcement des revendications statutaires dans les années 1980, le caractère régalien de la politique de l’Outre-mer s’est consolidé.
Nonobstant la présence au « petit Matignon » de l’Outre-mer d’un ancien Premier ministre, le président de la République n’a jamais vraiment lâché le morceau. On peut dater la véritable reprise du dossier à la veille du Congrès des élus du 8 octobre dernier. Cependant, en ces temps de turbulences de tous ordres venant de tous les azimuts, les initiatives du ministre — ministre d’État de surcroît et se piquant de géopolitique — ne pouvaient qu’irriter l’actuel locataire de l’Élysée.
Un retour à la norme jupitérienne
Sous Jacques Chirac, le Premier ministre et la ministre des DOM avaient déjà fait les frais de l’engagement présidentiel : Jean-Pierre Raffarin avait été squeezé, et Brigitte Girardin priée d’apporter la parole du chef. Leurs successeurs, François Fillon et Marie-Luce Penchard, seront à leur tour écartés par Nicolas Sarkozy.
On observera que les deux présidents de la République qui ont fait bouger les statuts des anciens départements d’Outre-mer étaient de droite. Ils se sont personnellement mouillé la chemise : le premier en faisant modifier la Constitution, le second en obtenant la création de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM).
Avec la nomination de Mme Naïma Moutchou, le recours à une ministre des DOM peu au fait des réalités ultramarines peut être regardé comme un retour à la norme : la soumission du règlement des problèmes de l’Outre-mer à des méthodes dites « jupitériennes ». On sait que celles-ci n’ont pas toujours été heureuses.
Fort-de-France, le 14 octobre 2025
Yves-Léopold Monthieux