22 octobre 2025 Paix et sécurité
À moins de quatre mois d’une échéance constitutionnelle décisive, Haïti reste sans calendrier électoral et sous la menace d’un vide politique. Devant le Conseil de sécurité, le nouvel envoyé de l’ONU dans le pays, Carlos Ruiz Massieu, a appelé mercredi à hâter les préparatifs du scrutin afin de clore une fois pour toutes la période transitoire actuelle.
L’assassinat, en juillet 2021, du dernier président haïtien élu, Jovenel Moïse, a plongé cette nation des Caraïbes dans la tourmante : vacance du pouvoir, luttes de clans et effondrement des institutions ont ouvert la voie à l’expansion des gangs, d’abord à Port-au-Prince, puis le long des grands axes routiers.
Depuis l’an dernier, Haïti est dirigé par un Conseil présidentiel de transition, avec à sa tête Laurent Saint-Cyr. Ce dernier est chargé d’organiser des élections générales d’ici le 7 février 2026, date butoir pour la remise du pouvoir à des dirigeants élus.

Mais la transition s’enlise. « Le compte à rebours est enclenché, mais une trajectoire stable vers le rétablissement d’un gouvernement démocratique n’a pas encore émergé », a averti M. Ruiz Massieu, lors de sa première intervention devant le Conseil de sécurité depuis sa prise de fonctions au mois d’août. Il a néanmoins salué la décision des autorités haïtiennes, le 9 octobre, de renoncer à une réforme constitutionnelle pour se concentrer sur la tenue des élections.
Faute de scrutin, Haïti risquerait de se retrouver sans légitimité institutionnelle – une vacance du pouvoir qui ne ferait que s’ajouter au vide sécuritaire actuel.
La gangs gagnent du terrain
Les gangs armés, qui contrôlent au moins 80 % de Port-au-Prince, étendent désormais leur emprise au nord de la capitale, dans les départements du Centre, de l’Artibonite, de l’Ouest et du Nord-Ouest. En à peine quelques jours, début septembre, leurs assauts ont causé la mort de plus de 80 personnes dans plusieurs villes et villages, où deux stations de police ont été incendiées.
La violence a provoqué le déplacement de plus de 1,4 million de personnes, soit plus d’un habitant sur dix. Le viol est utilisé de manière systématique « comme outil de domination et de terreur » contre les femmes et les filles, tandis que des enfants, parfois âgés d’à peine dix ans, sont recrutés par les groupes armés. « Les gangs continuent de miner gravement la jouissance des droits fondamentaux », a déploré le haut responsable, décrivant des routes coupées, des écoles fermées et des hôpitaux paralysés.
Une nouvelle force internationale
Pour tenter d’enrayer cette spirale, le 30 septembre, le Conseil de sécurité a autorisé la création d’une Force de répression des gangs, composée de 5 500 soldats et policiers. Cette mission internationale non onusienne sera appuyée par un nouveau bureau des Nations Unies, chargé de lui apporter un soutien logistique et financier – éléments qui avaient fait défaut à la force sortante, la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dirigée par le Kenya. L’objectif est d’épauler la police haïtienne pour sécuriser les principaux axes du pays et reprendre le contrôle de Port-au-Prince.
« Cette décision a redonné un sentiment d’espoir », a estimé M. Ruiz Massieu, tout en avertissant que la réussite de la force dépendra des moyens réellement mobilisés et de l’appui à la justice haïtienne pour combattre la corruption, les crimes de masse et les violences sexuelles. Il a plaidé en ce sens aussi pour la relance d’un programme national de désarmement et de réintégration, avec une attention particulière aux enfants enrôlés.

Un diplomate aux ambitions pragmatiques
Diplomate d’origine mexicaine, ancien chef de la mission onusienne en Colombie, où il a accompagné la mise en œuvre de l’accord de paix entre le gouvernement et la guérilla des FARC, Carlos Ruiz Massieu dirige désormais le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH). Cette structure a été créée en 2019 pour soutenir la stabilité politique du pays, conseiller les autorités en matière de sécurité et promouvoir les droits humains.
L’envoyé de l’ONU prévoit de rétablir la présence complète du personnel international du BINUH à Port-au-Prince, dont beaucoup avaient été évacués en raison des violences, afin d’appuyer plus étroitement la transition politique.
Haïti reste par ailleurs soumis depuis 2022 à un embargo sur les armes décrété par le Conseil de sécurité pour freiner l’armement des gangs, ainsi qu’à des sanctions ciblées – interdictions de voyage et gels d’avoirs – visant leurs principaux chefs et leurs soutiens politiques.
En conclusion, il a appelé à un effort concerté entre les autorités haïtiennes et la communauté internationale : « Des progrès simultanés sur le front sécuritaire, le processus politique et l’application des sanctions sont essentiels pour restaurer la gouvernance démocratique et mettre fin à l’impunité ».
Et d’ajouter, en français : « Notre engagement collectif et continu reste essentiel ».