Aux fidèles du peuple de Dieu dans la Caraïbe
25 octobre 2025
Les évêques de la Conférence épiscopale des Antilles expriment leur profonde préoccupation face au récent renforcement des forces navales et militaires dans la région du sud de la Caraïbe, et face aux conséquences socio-économiques, politiques et humanitaires que cette situation pourrait avoir pour nos peuples.
Dans quelques semaines, le monde célébrera la 59ᵉ Journée mondiale de la Paix. En repensant aux paroles du pape Paul VI, qui, en 1966, lors de l’institution de cette commémoration, exhortait l’humanité à choisir la négociation plutôt que la guerre, nous reconnaissons qu’à nouveau, nous nous trouvons à un carrefour décisif.
Le dialogue et la coopération sont plus urgents que jamais pour apaiser les tensions géopolitiques croissantes et favoriser une paix durable.
Une crise morale et spirituelle dans la Caraïbe
Nous devons aussi parler clairement des défis moraux qui affectent notre région. Le trafic de stupéfiants continue de dévaster nos sociétés caribéennes, détruisant des vies, brisant des familles et sapant le tissu moral même de nos communautés. C’est une crise grave pour l’Église comme pour la société, que nous avons le devoir de combattre.
Cependant, l’arbitraire et la violence, sous quelque forme que ce soit, ne peuvent être justifiés comme moyen de résolution. De tels actes violent le caractère sacré de la vie humaine. De même, le mépris de la souveraineté des nations indépendantes ne saurait être accepté sous prétexte de sécurité des frontières.
La guerre, ou la menace de guerre, n’est jamais la bonne solution.
Pour citer le pape François : « Nous ne devons jamais nous habituer à la guerre. » Et le pape saint Jean XXIII rappelait : « La vraie paix ne peut naître que d’un cœur désarmé de l’angoisse et de la peur de la guerre. »
La Caraïbe menacée dans sa stabilité
La présence de navires de guerre et la perturbation des activités maritimes qui font vivre nos peuples représentent une menace immédiate pour la stabilité régionale et le bien-être de nos nations. En tant que peuples unis par une histoire et une identité communes, nous devons continuer de rejeter toute forme d’agression ou d’intimidation comme mode de règlement des différends ou des divergences idéologiques. Notre histoire nous enseigne que le dialogue et la négociation nous ont toujours mieux servis que la violence.
Un appel à la foi, à la paix et à la responsabilité
Attentifs aux voix et aux inquiétudes de nos peuples, nous nous tournons vers l’enseignement de l’Écriture : « Aimez-vous les uns les autres, même vos ennemis. » Le monde peut être en guerre, mais nous sommes appelés à prier pour la paix et à agir dans la paix.
En cette Année jubilaire de l’Espérance, alors que l’Église perpétue sa tradition de pardon et de réconciliation, nous réaffirmons notre objectif commun : celui d’une fraternité partagée qui transcende les frontières et les intérêts nationaux. L’Église demeure ferme dans sa mission de protéger les plus vulnérables. Les objectifs légitimes de sécurisation des frontières et de lutte contre le trafic de drogue doivent être poursuivis dans le respect du droit, de la dignité humaine et de l’attachement profond de notre région à la paix.
Appel aux dirigeants et aux fidèles
Aux responsables politiques et militaires, nous lançons un appel solennel à la désescalade de la militarisation et à un renouvellement du dialogue et de l’unité régionale.
Aux fidèles, nous demandons de renouveler leur foi et leur confiance dans le Seigneur, en résistant au découragement et au cynisme. Les actes de réconciliation, la pratique des sacrements et la prière du rosaire en famille demeurent des expressions puissantes de l’espérance : elles peuvent émouvoir le ciel et transformer le cœur des hommes.
Conclusion
Nous demeurons unis dans la solidarité avec tous les peuples de la Caraïbe, en particulier avec ceux qui sont le plus directement touchés par cette situation. Ensemble, nous plaçons notre espérance, notre confiance et nos prières dans la recherche d’une solution pacifique et juste, qui respecte la dignité humaine, la souveraineté nationale et le bien commun de tous.
Conférence épiscopale des Antilles (AEC)

Créée en 1967 et reconnue par le Saint-Siège en 1971, la Conférence épiscopale des Antilles (AEC) réunit les évêques catholiques de plus de vingt diocèses de la Caraïbe — anglophones, francophones et hispanophones — ainsi que du Belize, du Suriname et de la Guyane. Basée à Port of Spain (Trinité-et-Tobago), elle œuvre à la coordination pastorale, à la solidarité entre Églises et à la défense des valeurs humaines et sociales dans la région. L’AEC publie régulièrement des déclarations sur la justice sociale, la paix, la migration et l’environnement. En octobre 2025, elle a alerté sur la militarisation du sud de la mer des Caraïbes, appelant au dialogue et à la fraternité. Les diocèses de Fort-de-France, Basse-Terre et Cayenne y jouent un rôle actif, notamment sous l’impulsion de Mgr David Macaire, actuel vice-président de la Conférence.



