Entre rigueur budgétaire et risque social, les entreprises martiniquaises redoutent une déflagration silencieuse.
Alors que le gouvernement cherche à réduire la dépense publique, la LODEOM — pilier du soutien économique aux Outre-mer — est visée par un rabot sans précédent dans le projet de loi de finances 2026. En Martinique, les acteurs économiques redoutent un choc silencieux sur l’emploi, l’investissement et la cohésion sociale.
Chiffres-clés Martinique 2024
• PIB : environ 9,5 milliards d’euros (+1,3 % en volume)
• Emploi salarié : 131 900 postes (-0,7 % sur un an)
• Taux de chômage : 10,4 % (INSEE 2024)
• TPE-PME : 96 % du tissu économique
• Part du secteur public : 42 % de l’emploi total
• Principaux secteurs : commerce, BTP, services, banane, tourisme
Une mesure budgétaire qui inquiète
Le gouvernement justifie la réduction des exonérations LODEOM par un objectif de maîtrise de la dépense publique. Mais pour les entreprises martiniquaises, il s’agit d’un désengagement dangereux. Le projet de budget 2026 prévoit une baisse d’environ 350 millions d’euros sur les exonérations sociales et près de 400 millions sur les dispositifs de défiscalisation, soit un total de 750 millions d’euros à l’échelle ultramarine.
Un choc social à redouter
Les acteurs économiques alertent sur les conséquences sociales d’un tel rabot. Sans exonérations suffisantes, le coût du travail augmenterait mécaniquement, menaçant l’emploi dans les TPE et PME locales. Les secteurs les plus exposés — commerce, BTP, hôtellerie, agriculture — pourraient être les premiers touchés. En Martinique, où le chômage reste structurellement élevé, toute hausse de charges risque d’aggraver les inégalités déjà profondes.
Un modèle à repenser
Les défenseurs de la LODEOM reconnaissent la nécessité d’une réforme mais plaident pour un ciblage intelligent plutôt qu’une coupe uniforme. L’idée : maintenir les aides sur les bas salaires et les secteurs prioritaires, tout en simplifiant les procédures administratives. L’objectif serait de concilier rigueur budgétaire et maintien de l’activité locale.
Une dépendance structurelle
La Martinique reste dépendante des transferts publics et des dispositifs métropolitains. La LODEOM compense partiellement les surcoûts liés à l’insularité, au fret maritime et à la taille réduite du marché. Son affaiblissement pourrait donc peser lourdement sur le tissu économique déjà fragile, notamment dans le Nord et les zones rurales.
Les marges de manœuvre locales
Face à ce risque, plusieurs élus appellent à la concertation et à la transparence. Une clause de revoyure territoriale est souhaitée pour mesurer, dès 2026, l’impact réel sur l’emploi et les prix. La Collectivité Territoriale de Martinique et les chambres consulaires pourraient jouer un rôle de suivi, en relayant les données de l’INSEE et de l’IEDOM afin d’objectiver le débat.
Repères 2025-2026
| Date | Événement | Impact attendu |
| Sept. 2025 | Présentation du PLF 2026 | Annonce du rabot LODEOM |
| Oct. 2025 | Débat à l’Assemblée nationale | Amendements pour ciblage des exonérations |
| Nov. 2025 | Examen au Sénat | Possibles ajustements ou maintien des coupes |
| Janv. 2026 | Adoption du budget final | Application progressive dès le 1er trimestre |
| 2026 | Clause de revoyure territoriale (proposée) | Évaluation des effets sur emploi et prix |
Entre prudence budgétaire et impératif social, la Martinique joue une fois encore sa survie économique sur l’équilibre fragile entre l’État et les réalités locales. Dans ce débat sur la LODEOM, c’est moins la rigueur que la confiance qui reste à rebâtir.
Jean-Paul BLOIS



