Un plan de rémunération à la mesure d’Elon Musk
Nouveau record pour Tesla. Le constructeur californien s’apprête à soumettre à ses actionnaires un plan de rémunération hors norme pour son PDG, Elon Musk, dans le cadre du programme baptisé « 2025 CEO Performance Award ». Si ce plan est adopté lors de la prochaine assemblée générale, prévue le 6 novembre à Austin (Texas), le dirigeant pourrait, à terme, percevoir jusqu’à 1 000 milliards de dollars sous forme d’actions, en fonction de la performance boursière du groupe au cours de la prochaine décennie.
Le package viserait à verrouiller la présence de Musk à la tête de Tesla pour les dix prochaines années, en lui accordant davantage de droits de vote et une part accrue du capital. Ce serait la plus importante rémunération jamais envisagée pour un dirigeant d’entreprise dans l’histoire du capitalisme moderne — un montant supérieur au PIB de pays comme la Suisse ou la Turquie.
Des résultats mitigés pour Tesla
Cette annonce intervient dans un contexte économique paradoxal. Tesla a publié des résultats trimestriels en baisse, malgré une hausse des livraisons. Au troisième trimestre 2025, le constructeur a livré près de 500 000 véhicules, contre 384 000 au trimestre précédent, grâce à un effet d’aubaine lié aux dernières aides à l’achat avant leur suppression par le gouvernement américain. Mais le revenu net a chuté de 29 %, affecté par la baisse des marges et les coûts liés à la diversification dans le stockage d’énergie et l’intelligence artificielle embarquée.
Un signal controversé pour la gouvernance d’entreprise
Les agences de conseil en vote, comme ISS et Glass Lewis, ont d’ores et déjà recommandé aux actionnaires de rejeter le plan, évoquant un risque majeur de gouvernance. Selon elles, accorder un pouvoir aussi étendu à un seul homme — déjà dirigeant de SpaceX, X (ex-Twitter) et xAI — créerait une concentration excessive des pouvoirs et fragiliserait le conseil d’administration.
« Un package de cette ampleur rompt tout lien raisonnable entre performance et rémunération », estime un analyste de Glass Lewis. « C’est une incitation au pouvoir absolu plus qu’à la création de valeur durable. »
Certains actionnaires institutionnels, notamment européens, s’inquiètent également du déséquilibre entre les intérêts du PDG et ceux des minoritaires, déjà mis à mal lors du précédent plan de rémunération de 56 milliards de dollars approuvé en 2018 — lui-même contesté devant les tribunaux du Delaware.
Un pari sur l’avenir — ou un nouveau culte de la personnalité
Pour les défenseurs du plan, cette proposition reflète la stratégie de long terme de Tesla : assurer la fidélité de son fondateur et visionnaire dans un secteur automobile en mutation rapide. Elon Musk a souvent laissé entendre qu’il pourrait se désengager partiellement de Tesla pour se consacrer à ses autres projets, notamment SpaceX et xAI, si son rôle n’était pas consolidé au sein du groupe.
Ses partisans estiment que le succès de Tesla est indissociable de son leadership, et que la capitalisation du groupe a progressé de plus de 2 000 % depuis son arrivée à la tête de l’entreprise. Mais pour ses détracteurs, ce plan incarne la dérive du capitalisme des “super-dirigeants”, où la performance individuelle prime sur toute logique collective.
La frontière entre génie et démesure
À l’approche de l’assemblée générale du 6 novembre, Tesla se trouve à la croisée des chemins : célébrer l’homme qui a révolutionné l’industrie automobile, ou limiter un pouvoir jugé excessif et potentiellement dangereux pour la gouvernance. La question dépasse les chiffres : elle interroge la nature même de la responsabilité des dirigeants dans une économie mondialisée où le charisme remplace parfois le contrôle.
Comme l’a résumé un observateur du Wall Street Journal : « Le risque n’est pas qu’Elon Musk devienne l’homme qui valait 1 000 milliards — c’est que Tesla cesse d’être une entreprise pour devenir un royaume. »
— Le précédent plan de 2018 : 56 milliards pour dix ans de croissance
| Élément clé | Détails |
| Nom du plan | 2018 CEO Performance Award |
| Montant estimé | 56 milliards de dollars sur dix ans |
| Objectifs | Hausse de la capitalisation boursière, rentabilité et chiffre d’affaires |
| Résultats | Objectifs atteints en 2021, contestation judiciaire en 2023 |
| Statut | Jugement du Delaware en attente d’appel |



