C’est En Martinique, la fête n’est pas un simple divertissement : elle est langage, mémoire et espérance. Du Carnaval aux fêtes patronales, elle rassemble les générations, réveille les tambours de la résistance et tisse la fraternité. Sous ses airs de liesse, la fête martiniquaise dit quelque chose de plus profond : la joie y est une manière d’habiter le monde, de panser les blessures de l’histoire et de maintenir la communauté debout. Dans un temps où la marchandisation menace l’esprit collectif, elle demeure un acte de solidarité, une résilience joyeuse qui rappelle que la vie se partage — ou ne se vit pas.
Mais à l’autre extrémité du cercle, il y a la mort.
Et la Martinique, comme Bruxelles ou ailleurs, sait que la dignité des morts prolonge la dignité des vivants. À Bruxelles, le collectif Morts de la rue veille depuis vingt ans à ce qu’aucune personne ayant vécu dehors ne parte dans l’oubli. Leur credo, « Ne meurent que ceux qu’on oublie », dit la même vérité que nos veillées créoles : se souvenir, c’est faire vivre. Ces bénévoles, anciens sans-abri et travailleurs sociaux, offrent à ceux que la société a laissés au bord du chemin une dernière chaleur, un nom, une lumière. Leur combat pour une « sécurité sociale de la mort » rejoint celui de tous ceux qui refusent l’indifférence.
Aux Antilles, cette fidélité aux disparus prend la forme éclatante de la Toussaint.
Chaque 1ᵉʳ novembre, les cimetières s’embrasent de milliers de bougies, transformant le deuil en fête de lumière et de mémoire. Là où d’autres pleurent en silence, les Antillais célèbrent dans la clarté : fleurs, chants, prières, conversations — un peuple entier en dialogue avec ses ancêtres. Dans ces veillées, héritières à la fois du catholicisme et des traditions africaines, la mort n’est pas la fin : elle est le prolongement de la vie dans l’invisible.
La Toussaint devient alors un acte de résistance joyeuse, une manière de dire que l’amour survit à la disparition, que la communauté des vivants et des morts forme un seul corps de lumière.
Ainsi, en Martinique, la fête et la mort ne s’opposent pas : elles se répondent. L’une éclaire la vie, l’autre la prolonge ; l’une célèbre la présence, l’autre honore la mémoire. Toutes deux rappellent la même vérité créole : ce qui sauve, ce n’est pas d’exister seul, mais de se relier — dans la joie, dans la peine, dans la lumière partagée.
Gdc



