Depuis près d’une décennie, la France semble flotter dans une zone de turbulence politique, économique et symbolique. À mesure que se délite la confiance collective, la République paraît orpheline d’un récit commun capable de fédérer ses citoyens autour d’une vision partagée. Le procès des militants martiniquais jugés pour avoir déboulonné les statues de Victor Schœlcher et de Joséphine de Beauharnais agit comme un miroir de cette crise mémorielle : il révèle la profondeur du vide identitaire dans lequel la France contemporaine s’enfonce.
Un pays en quête de sens : l’effacement du récit national
Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, la France traverse une crise de sens profonde. Loin du « nouveau monde » promis, les deux quinquennats ont vu se creuser les fractures sociales, territoriales et culturelles.
Fractures sociales et délitement symbolique
Les résultats récents de l’enquête Fractures françaises confirment ce malaise : neuf Français sur dix estiment que le pays est en déclin. Dans les territoires ultramarins, la crise du sens prend une intensité particulière. La distance géographique s’ajoute à une distance symbolique.
Le procès des statues : un symptôme de la fracture mémorielle
Ce procès s’inscrit dans une dynamique mondiale née après la mort de George Floyd, lorsque des statues d’esclavagistes furent renversées à Bristol, Anvers ou Richmond.
L’universalisme républicain, longtemps ciment de la nation, semble aujourd’hui incapable d’embrasser la pluralité des mémoires françaises.
Le récit macronien : du mythe républicain à la narration de la performance
Emmanuel Macron n’a pas seulement laissé s’éteindre le récit national : il l’a remplacé. À la continuité historique, il a substitué la performance économique.
La stratégie du chaos : faire naître le changement par la crise
Selon plusieurs analystes, cette dissolution symbolique du récit national relèverait d’une méthode : une stratégie de tension permanente.
Le vide symbolique : quand la modernisation remplace la mémoire
La modernisation technocratique s’est substituée à la mémoire collective. En dissolvant le récit national dans la logique économique, le pouvoir a créé un vide symbolique.
L’Outre-mer en première ligne du désenchantement
Pour la Martinique, la Guadeloupe ou la Guyane, l’absence d’un récit national partagé équivaut à une double peine : celle de l’oubli et de la périphérie.
Pour un nouveau récit commun : mémoire, justice et réconciliation
Le défi n’est pas de restaurer un mythe ancien, mais d’inventer un récit nouveau : lucide, inclusif, européen et caribéen à la fois.
Jean-Marie Nol
Économiste et juriste en droit public



