À la suite des déclarations de Donald Trump menaçant d’une intervention militaire au Nigeria pour prétendue persécution des chrétiens, le gouvernement nigérian a réagi avec fermeté. Les autorités d’Abuja rejettent catégoriquement ces accusations et défendent la souveraineté nationale, tout en rappelant leur engagement pour la liberté religieuse et la lutte contre toutes les formes de violence.
1. Réaction du ministre des Affaires étrangères

Le ministre des Affaires étrangères, Yusuf Tuggar, a déclaré que la persécution religieuse soutenue par l’État était « impossible au Nigeria » : « Aucun niveau de gouvernement – fédéral, régional ou local – ne peut favoriser ou tolérer de telles pratiques, selon notre Constitution. »
2. Position de la présidence nigériane
Le porte-parole présidentiel, Daniel Bwala, a qualifié les menaces américaines de « tactique coercitive typique » et rejeté la désignation du Nigeria comme pays intolérant. Le président Bola Ahmed Tinubu a, dans un communiqué, défendu la position de son gouvernement : « La caractérisation du Nigeria comme pays religieux-intolérant ne reflète pas notre réalité ; elle ne prend pas en compte nos efforts sincères pour garantir la liberté de religion et de croyance pour tous. » Il a réaffirmé que le Nigeria restait disposé à coopérer avec les États-Unis dans la lutte contre l’extrémisme, à condition que sa souveraineté soit pleinement respectée.
3. Enjeux diplomatiques et institutionnels
Ces réactions illustrent la volonté du Nigeria de préserver son indépendance politique et économique, tout en refusant une intervention étrangère non coordonnée. Les autorités rappellent que la violence qui frappe le pays n’est pas exclusivement religieuse, mais résulte d’un ensemble de causes – insurrection, conflits fonciers et criminalité organisée – touchant à la fois chrétiens et musulmans. Sur le plan diplomatique, Abuja cherche à apaiser les tensions tout en consolidant ses alliances régionales et en évitant une rupture avec Washington.
En somme, la réaction du gouvernement nigérian traduit une double exigence : affirmer la souveraineté nationale face aux ingérences perçues, tout en maintenant un dialogue pragmatique avec les États-Unis pour préserver la stabilité et la coopération internationale dans la lutte contre le terrorisme et les violences intercommunautaires.
Trump, le Nigeria et la géopolitique des ressources
Les prises de position de Donald Trump sur la « protection des chrétiens » au Nigeria dépassent la seule dimension religieuse. Elles s’inscrivent dans un contexte stratégique où les ressources naturelles du pays jouent un rôle clé.
Le Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique de l’Ouest et détenteur de gisements de lithium, cobalt et terres rares, occupe une place majeure dans les équilibres énergétiques mondiaux. Cette richesse en hydrocarbures et minerais en fait un terrain d’intérêt géopolitique pour les puissances, notamment les États-Unis.
En utilisant la rhétorique de la défense des chrétiens, Trump semble activer un levier diplomatique lui permettant de peser sur Abuja et d’obtenir des avantages stratégiques dans les domaines énergétique, minier et militaire, tout en affirmant la position américaine face à la Chine et la Russie en Afrique.
Toutefois, cette approche suscite – comme on l’a vu – la réprobation du gouvernement nigérian, qui rejette les accusations de persécution religieuse et rappelle que les violences internes touchent toutes les communautés.
Ainsi, au-delà du discours humanitaire, cette posture révèle une double logique : morale et géostratégique. Elle illustre comment la question religieuse peut servir de vecteur d’influence pour consolider la présence américaine dans une région cruciale pour les équilibres énergétiques mondiaux.
Jean-Paul BLOIS



