Analyse géopolitique – Par Jean-Paul BLOIS
L’année 2025 marque un tournant dans l’histoire contemporaine des relations internationales. La recomposition de la diplomatie mondiale consacre l’émergence de nouveaux arbitres des conflits, au détriment des puissances occidentales et de l’ordre international hérité du XIXᵉ siècle. Désengagée militairement, affaiblie économiquement et divisée politiquement, l’Europe apparaît impuissante à peser sur les crises qui déchirent l’Afrique, le Proche-Orient ou l’Asie. Son influence diplomatique, jadis structurante, se révèle aujourd’hui marginale et fragmentée.
La montée des puissances régionales
Dans ce vide stratégique, de nouveaux acteurs s’affirment comme médiateurs incontournables. Les monarchies du Golfe – Qatar, Arabie saoudite, Émirats arabes unis – mais aussi l’Égypte et la Turquie, jouent un rôle croissant dans la résolution des crises régionales.
Les négociations sur Gaza se tiennent désormais à Doha ou Riyad, tandis que les pourparlers sur l’Ukraine s’organisent à Istanbul, devenue un centre diplomatique alternatif. Cette logique s’étend à l’Afrique : États du Golfe, Égypte et Turquie s’imposent comme courtiers politiques et financiers dans les conflits du Soudan ou du Sahel, reléguant l’ONU et l’Union européenne au rang d’observateurs impuissants.
Un nouveau jeu mondial
La Chine, discrète mais méthodique, profite du désengagement occidental pour consolider son influence, combinant initiatives commerciales (Routes de la soie), investissements stratégiques et diplomatie du non-alignement. La Russie, affaiblie par la guerre en Ukraine et les sanctions, s’efforce de maintenir son rôle dans son « étranger proche » tout en se rapprochant des puissances émergentes du Sud global.
Parallèlement, plusieurs États africains cherchent à s’émanciper de la tutelle occidentale et à développer leurs propres cadres de médiation, notamment au sein de l’Union africaine ou de la CEDEAO. Le résultat est un nouveau jeu d’équilibres instables, où la médiation ne se fait plus sous l’égide des grandes puissances mais selon des logiques régionales, religieuses ou économiques.
Les conséquences d’un monde sans centre
Ce déplacement du centre de gravité diplomatique s’accompagne de multiples défis systémiques :
• Fragmentation des processus de paix, plus pragmatiques mais moins encadrés par le droit international.
• Multiplication des acteurs motivés par des intérêts économiques, religieux ou sécuritaires.
• Affaiblissement du multilatéralisme, illustré par la perte de crédibilité de l’ONU et la marginalisation progressive de l’Europe.
Loin d’un nouvel ordre mondial stabilisé, 2025 voit émerger un ordre concurrentiel, fait d’alliances flexibles, d’accords ponctuels et de rapports de force mouvants.
L’Europe face à son effacement diplomatique
Pour l’Union européenne, ce réalignement planétaire agit comme un miroir de faiblesse. Faute de cohérence stratégique et de puissance militaire commune, elle peine à exister face aux coalitions régionales qui dictent désormais les équilibres. Son discours sur les valeurs universelles se heurte à la realpolitik assumée des puissances émergentes.
L’Europe, jadis garante du multilatéralisme et du droit international, risque d’être reléguée au second plan, dans un monde où la diplomatie se joue ailleurs, selon d’autres codes et d’autres priorités.
Vers un nouvel ordre diplomatique ?
Ce nouvel ordre mondial, encore instable et tâtonnant, redessine les contours de la diplomatie. Il interroge la capacité des institutions nées du XXᵉ siècle — ONU, UE, OTAN — à se réinventer. Et il pose une question fondamentale : l’Europe peut-elle encore être un acteur de paix dans un monde qui ne parle plus son langage ?



