Éditorial du journal Justice
Le procès dit des déboulonnages des statues, dont celles de Victor Schœlcher, en mai 2020 s’est tenu pendant 3 jours la semaine dernière. 11 jeunes étaient accusés de destruction de biens publics. Le procès s’est déroulé dans une ambiance tendue entre les avocats et les juges.
De nombreux “témoins” ont été entendus à la barre du tribunal et notamment le député Marcellin Nadeau qui, dans un communiqué, a énoncé : “Nous espérons la relaxe de tous les inculpé.e.s, et demandons l’arrêt d’une répression de type coloniale, alors même que les responsables de crimes graves, comme l’empoisonnement au chlordécone, restent eux toujours impunis. Nous regrettons la criminalisation de ces actes, alors qu’il faudrait préférer la voix d’un véritable dialogue sur la mémoire, la réparation et la transmission (Communiqué du 7/11/2025)”.
Le ministère public cependant n’a requis aucune peine précise contre les prévenus, choisissant de laisser au tribunal “la liberté de déterminer la réponse judiciaire appropriée”. Le jugement est attendu pour le 17 novembre prochain.
La question posée est celle de la mémoire :
faut-il continuer à honorer les personnages qui ont été des acteurs patentés du colonialisme et de l’esclavage ? Ou faut-il les éliminer physiquement de l’espace public : statues, noms de rues, d’établissements, etc ?
En mai 2020 notre Parti a pris position dans un communiqué intitulé :
“Destruction des statues de Victor Schœlcher : Nier l’Histoire ne fait pas avancer la cause de la libération nationale martiniquaise”. Et Justice n° 27 du 28/05/2020 a titré : “22 mai 2020 : Condamnation de la destruction des statues de Schœlcher”.
Nous avons d’ailleurs reproduit dans ce numéro de notre journal l’analyse de l’historien Gilbert Pago (22 mai 2020) qui a expliqué notamment :
“Casser les statues de Schœlcher est une démarche qui méconnaît une part de l’histoire de la fin de l’esclavage !” et précisé que “La loi sur l’indemnité quand bien même elle fut dans la logique du gouvernement provisoire et de tous les abolitionnistes même Bisette, n’a pas été le projet de loi (venant de l’exécutif) ni la proposition de loi (venant des députés) par Schœlcher”.
Notre Parti s’est imprégné très tôt de l’enseignement de l’Histoire depuis son fondateur Jules Monnerot (La revue de la Martinique).
Il faut signaler ensuite le rôle des communistes. En particulier Armand Nicolas qui a fait reconnaitre le rôle des esclaves dans l’abolition de l’esclavage lors des journées des 22 et 23 mai 1848 au Prêcheur et à Saint-Pierre en imposant au gouverneur Rostoland la prise du décret d’abolition ici même.
Ses trois tomes de l’Histoire de la Martinique devraient contribuer à inspirer la jeune génération pour comprendre la formation de la Nation martiniquaise et de son identité.
Sous son inspiration nous avons remis Victor Schoelcher à sa place comme abolitionniste mais combattu le “schoelchérisme” consistant à attribuer à lui seul le mérite de l’abolition.
Les héros martiniquais doivent être honorés : André Aliker, l’esclave Romain, Lumina Sophie, les révoltés de 1870, etc. Les autres personnages de la colonisation, selon nous, devraient être placés dans des musées comme cela s’est fait dans plusieurs ex-colonies anglophones de la Caraïbe.
L’Histoire ne doit pas être niée mais doit être appropriée dans sa complexité et ses contradictions pour construire l’avenir en conscience.
Michel Branchi (10/11/2025)



