La Collectivité territoriale de Martinique inaugure un dispositif destiné à accélérer la transition agroécologique et à corriger les déséquilibres persistants du soutien public à l’agriculture. Mais le retrait de l’État sur un transfert budgétaire attendu ravive les tensions autour de la répartition du POSEI.
Un contrat pour accompagner la transition
La Collectivité territoriale de Martinique (CTM) a lancé officiellement, jeudi 14 novembre, le Contrat territorial de transition et d’engagement agroécologique (CTEA), un dispositif inédit visant à accompagner les exploitations dans la mutation agroécologique engagée depuis l’adoption, en 2022, de la stratégie de transformation agricole.
Le CTEA, d’une durée de cinq ans, est signé entre l’exploitant, la CTM et l’État via la DAAF, et ouvre droit à une aide forfaitaire découplée comprise entre 3 000 et 10 000 euros selon la surface éligible.
Il s’adresse en priorité aux agriculteurs engagés en agroécologie mais exclus du POSEI, aux jeunes installés et aux producteurs souhaitant reconquérir du foncier agricole.
Outre l’aide financière, le dispositif inclut un diagnostic complet, un plan d’actions sur cinq ans et un accompagnement technique individualisé.
L’ombre du POSEI : un rééquilibrage toujours différé
Le lancement du CTEA intervient alors que la Martinique demeure le territoire où la répartition du POSEI est la plus inégalitaire.
La banane perçoit plus de 120 M€ pour environ 360 exploitations, la filière canne-sucre-rhum près de 20 M€, tandis que la diversification végétale ne reçoit que 4 M€, soit moins de 3 % de l’enveloppe, malgré des milliers de petites exploitations assurant la majorité de la consommation locale.Plus de 80 % des exploitations martiniquaises, notamment celles de 1 à 3 hectares, ne perçoivent aucune aide POSEI. Le dispositif demeure calibré pour les monocultures d’exportation, reposant sur l’adhésion à une organisation de producteurs et la capacité à assurer des volumes standardisés.
Un transfert budgétaire avorté sous pression
Validé par le Premier ministre Michel Barnier et la Commission européenne, le CTEA devait amorcer un rééquilibrage en réservant 2 M€ au revenu des petits agriculteurs de la diversification végétale.
Mais selon plusieurs sources, l’État aurait renoncé à transférer les crédits de la ligne « banane » vers le CTEA, invoquant une difficulté technique liée à la fin de l’exercice budgétaire.
Ce retrait illustre, pour de nombreux acteurs, le poids persistant de lobbys opposés à toute redistribution, même marginale, des aides du POSEI.
Une position martiniquaise distincte d’EURODOM
Dans ce contexte, la CTM refuse de s’aligner automatiquement sur la position défendue par EURODOM à Bruxelles, centrée sur la défense globale des enveloppes sans remise en cause de leur répartition interne.
Si la Martinique s’oppose, comme les autres RUP, à toute baisse des fonds alloués, elle ne souhaite pas défendre un statu quo qui marginalise la majorité des agriculteurs locaux.
Défendre le POSEI « en bloc », c’est accepter que la banane capte près de la moitié des crédits, que la diversification végétale reste sous-financée et que 80 % des exploitants demeurent exclus des aides au revenu.
Un choix politique assumé
À travers le CTEA, la CTM entend ouvrir un nouveau cycle de soutien à l’agriculture, plus inclusif et orienté vers la souveraineté alimentaire.
Ce dispositif marque également une volonté de contester calmement mais fermement les équilibres historiques du POSEI.
Reste à savoir si l’État et l’Europe accompagneront cette dynamique, ou si les logiques traditionnelles continueront de prévaloir au détriment des petites exploitations ultramarines.
Gdc



