Être Français d’outre-mer, c’est porter une histoire singulière, une histoire à la fois douloureuse et profondément digne. C’est être l’héritier d’ancêtres réduits en esclavage, colonisés, oubliés, mais qui ont su, par leur lutte inlassable, imposer leur humanité. S’ils n’avaient pas résisté, s’ils n’avaient pas combattu, nous ne serions pas aujourd’hui citoyens français. Cette citoyenneté n’a pas été offerte : elle a été conquise, arrachée, payée au prix du courage et de la persévérance.
Mais ce chemin historique, aussi essentiel soit-il, n’est pas une fin en soi.
Être Français d’outre-mer, ce n’est pas vivre la citoyenneté dans les mêmes conditions que dans l’Hexagone. C’est exercer ses droits depuis une périphérie lointaine, une île, un territoire marqué par ses propres réalités sociales, économiques, culturelles. C’est appartenir à une République qui peut paraître distante, tout en portant une identité façonnée par la mémoire, les résistances et les héritages créoles.
Dans un monde traversé par les conflits, les discriminations et les replis identitaires, il nous revient de réfléchir, avec lucidité, à ce que signifie vraiment cette citoyenneté ultramarine. Elle n’est ni secondaire, ni inférieure. Elle est une manière d’être Français autrement, depuis un territoire dont la spécificité enrichit la nation.
Mais ce réalisme du présent ne doit pas effacer ce qui nous constitue.
Notre histoire faite d’esclavage et de colonisation. La force de nos ancêtres qui ont lutté pour la liberté et la dignité. Une identité créole, multiple, affirmée, qui continue de vivre au cœur de notre quotidien. Rien de tout cela ne doit être gommé ou minimisé : cela fait partie de nous, cela explique notre rapport particulier à la citoyenneté.
Être Français d’outre-mer, c’est vivre un double héritage : celui de la République, et celui d’une histoire marquée par les épreuves, la résistance et la reconstruction.
C’est accepter la complexité de cette situation, sans renoncer à soi-même. C’est conjuguer fidélité à notre identité propre et attachement à une nation que nos ancêtres ont voulu intégrer, non par soumission, mais par volonté.
Ce choix n’est pas une contradiction. Il est le prolongement naturel de notre histoire. Une manière d’affirmer que nous sommes Français, oui, mais Français avec une mémoire, une sensibilité, un regard forgé par notre expérience ultramarine.
Gérard Dorwling-Carter
Aujourd’hui encore, ce parcours nous oblige. Il nous appelle à rester vigilants, à défendre notre dignité, à affirmer notre identité, et à continuer à faire vivre une citoyenneté qui n’a jamais été donnée mais toujours conquise.



