Une vingtaine d’Ultramarins se sont rassemblés devant le ministère des Outre-mer à Paris, à l’appel de l’association Ultramarins Doubout. Au-delà du nombre, la mobilisation porte un message politique puissant : dénoncer le prix exorbitant des billets d’avion entre la métropole et les territoires ultramarins, et réclamer une véritable politique publique de continuité territoriale, comparable au modèle corse.
La continuité territoriale, un principe républicain inachevé
Pour les manifestants, le droit à la mobilité est un marqueur fondamental de l’égalité républicaine. Or, alors que la Corse bénéficie chaque année d’une dotation de 187 millions d’euros pour soutenir ses liaisons aériennes et maritimes, l’ensemble des Outre-mer se partage environ 35 millions d’euros. Une asymétrie dénoncée comme une injustice structurelle. Selon André Basin, président d’Ultramarins Doubout, les aides existantes ne sont qu’un « simulacre » incapable de compenser la flambée des tarifs imposés par un marché dominé par quelques compagnies aériennes.
Un enjeu stratégique : désenclaver les Outre-mer
La question dépasse le cadre social : elle touche à l’aménagement du territoire, à la cohésion nationale et au développement économique des régions ultramarines. Le coût du transport aérien limite les échanges, freine la mobilité des étudiants, renchérit les déplacements des familles et réduit les opportunités économiques. Pour les associations, l’État français n’a pas encore su traduire dans les faits le principe de continuité territoriale pour des régions situées à des milliers de kilomètres du centre décisionnel.
La DSP aérienne : une proposition structurante
Face à cette situation, les manifestants portent une proposition forte : la création d’une délégation de service public (DSP) aérienne pour les Outre-mer. Inspirée du modèle corse ou d’autres exemples européens (Madère, Açores, Canaries), une telle DSP permettrait de réguler les tarifs, garantir une offre minimale de vols, stabiliser les prix et poser des obligations de service aux compagnies aériennes en échange d’un soutien public. L’objectif : substituer à la logique actuelle de marché une logique de service public, au nom de la continuité de la citoyenneté.
Une mobilisation qui interpelle l’État
À travers leurs prises de parole, les organisateurs accusent l’État de manquer de volonté politique et de ne pas appliquer pleinement la Charte sociale européenne, qui impose l’égalité d’accès aux services essentiels. Ils dénoncent un système de quasi-monopole permettant aux compagnies de fixer librement des tarifs prohibitifs, maintenant de fait une forme de dépendance des territoires ultramarins. Leur message est clair : la mobilité ne peut être un luxe réservé à ceux qui peuvent payer.
Un débat appelé à prendre de l’ampleur
Cette manifestation s’inscrit dans un contexte plus large de contestation contre la vie chère dans les Outre-mer. Alors que les associations ultramarines s’organisent et que la question des transports revient régulièrement au premier plan, il est probable que le débat prenne une tournure plus nationale dans les mois à venir. Pour les manifestants, cette action n’est qu’un prélude. Ils entendent désormais porter le sujet jusqu’au Parlement, aux collectivités et aux institutions européennes, convaincus que seule une réforme structurelle pourra garantir l’égalité réelle entre tous les citoyens de la République.
Jean-Paul BLOIS



