La saison touristique s’apprête à débuter, et pour vendre l’île, on persiste à décrire la Martinique comme un paradis tropical. Certes, le décor est splendide. Mais derrière la carte postale, la vie quotidienne relève plutôt de l’exercice de survie budgétaire. L’île affiche des prix européens avec des revenus qui, eux, n’ont jamais dépassé le niveau du revenu à peine garanti.
Les prix flambent, les salaires piétinent
L’INSEE et l’IEDOM le confirment : la vie coûte 7 à 12 % plus cher qu’en France. Sur l’alimentaire, la note grimpe à +38 %. Les produits d’hygiène ou d’entretien atteignent des niveaux qui feraient pâlir un Parisien. Le carburant semble indexé sur l’humeur du marché mondial. Pendant ce temps, le revenu médian stagne à 1 110 € mensuels. Une somme qui, ici, s’évapore aussi vite qu’un paquet de biscottes en promo.
Les indépendants : l’héroïsme payé à prix cassé
On vante les mérites de l’entrepreneuriat local, mais la réalité est nettement moins glamour. Les non-salariés — artisans, commerçants, agriculteurs, professions libérales — gagnent en médiane 959 € par mois. Ces mêmes personnes sont censées porter la diversification économique. Mais diversifier avec 959 €, c’est vouloir remplir une baignoire avec une cuillère en plastique : admirable, mais voué à l’épuisement.
Le pouvoir d’achat s’effiloche, la dépendance s’enracine
Les revenus stagnent. Les prix augmentent. Les aides sociales colmatent mais ne résolvent rien. Résultat : la base productive se rétrécit, tandis que l’économie repose toujours plus sur la dépense publique, les salaires administratifs et les transferts sociaux. Autrement dit, sur tout sauf la production locale. À force, la société oscille entre résignation silencieuse et accès de colère légitime.
Le vrai travail à mener
On ne sortira de cette spirale qu’en relançant la production locale, en réduisant les coûts logistiques, en soutenant réellement les micro-entreprises et en cessant de penser que des slogans peuvent tenir lieu de politique économique. Sans cela, la Martinique restera ce curieux paradoxe : un paradis où l’on peine à remplir le caddie. Et, fait extraordinaire, tout le monde le sait… et personne ne fait rien. Les élections se succèdent en apesanteur, comme des moments où l’on gigote sans jamais toucher à l’essentiel, oubliant l’admonestation d’Aimé Césaire à son peuple :
« … quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre au carnaval des autres … »
Gérard Dorwling-Carter



