Ce vendredi devait refermer un automne parlementaire interminable, grâce à une commission mixte paritaire chargée de sauver le budget 2026. Mais à force de menaces de loi spéciale, d’hypothèses de 49.3 et de compromis arrachés, la Ve République donne surtout le spectacle d’un régime fatigué, incapable de produire une majorité stable sans transformer la procédure en scène permanente.
Ce 19 décembre, quatorze parlementaires se sont retrouvés à huis clos pour tenter de concilier un projet de loi de finances rejeté massivement à l’Assemblée et la version adoptée par le Sénat. Après des semaines de débats nocturnes, le cœur du budget se joue dans une commission censée trancher en quelques heures ce que l’hémicycle n’a pas su arbitrer.
Très vite, la discussion a glissé du fond vers la procédure. Accord de dernière minute, renvoi à janvier ou loi spéciale : l’urgence n’est plus de définir une trajectoire budgétaire, mais d’éviter l’accident institutionnel avant le 31 décembre. Le rejet du budget à l’Assemblée, puis l’adoption d’une copie profondément remaniée par le Sénat, ont mis en lumière une fabrication des textes à la limite, confirmée par le vote étriqué du PLFSS, le plan de financement de la Sécurité sociale.
À mesure que la majorité relative s’érode, la procédure est devenue le moteur central de la vie parlementaire. Menaces de 49.3, commissions sous tension, ultimatums croisés : le débat cède la place à un théâtre procédural qui nourrit une fatigue démocratique croissante. Le Parlement continue de produire des budgets, mais chaque adoption ressemble davantage à une victoire à la Pyrrhus, obtenue au prix d’un affaiblissement supplémentaire de la confiance institutionnelle.
En Martinique, ce feuilleton n’a rien d’abstrait. Il se traduit par une contraction marquée du budget Outre-mer et par des arbitrages perçus comme un choc silencieux pour l’économie locale. Le rabot annoncé sur les exonérations LODEOM et la défiscalisation est vécu par les entreprises comme une remise en cause de leur modèle, dans un contexte déjà dominé par la vie chère et le coût du fret.
Alors que la Collectivité territoriale de Martinique tente de boucler son propre budget sous contrainte de dotations en baisse, le sentiment d’un étau financier se renforce. À Paris, le budget se négocie sous les projecteurs ; sur les territoires, ses effets se mesurent en projets différés, en emplois fragilisés et en marges de manœuvre qui se réduisent. C’est là, loin du « cirque », que se joue le véritable coût de cet automne parlementaire. JPB



