Né dans un quartier où la musique faisait partie du quotidien, Marius Cultier a très tôt révélé un talent hors norme. Pianiste autodidacte, compositeur inspiré, interprète d’exception, il a traversé les scènes de la Martinique, de la Caraïbe, du Canada et des États-Unis, laissant derrière lui une œuvre musicale monumentale qui résonne encore aujourd’hui dans le cœur des mélomanes et inspire les nouvelles générations de musiciens caribéens.
Son parcours, jalonné de rencontres prestigieuses et de créations majeures, constitue aujourd’hui un patrimoine culturel essentiel qu’il convient de transmettre et de faire connaître aux nouvelles générations.
Une naissance au cœur des Terres Sainville
Marius Cultier naît le 23 avril 1942 aux Terres Sainville, à Fort-de-France, dans un environnement particulièrement favorable à l’éveil musical. Il vit à proximité immédiate de Victor Coridun, des familles Nalry et Nouel, non loin de Barrel Coppet, de Loulou Boislaville et de Georges Sainte-Rose. Il grandit également aux côtés de Nel Lancry.
Ce voisinage, composé de figures et de familles profondément ancrées dans la vie musicale martiniquaise, forge très tôt son oreille, sa sensibilité et son rapport instinctif à la musique.
Un pianiste autodidacte qui s’impose très jeune
Très tôt, le jeune Marius Cultier, pianiste autodidacte, s’impose par son talent à ses aînés. Son jeu, déjà singulier, impressionne par sa maîtrise, sa musicalité et sa maturité.
À seulement 15 ans, il dirige l’orchestre de l’O.R.T.F., fait exceptionnel pour un musicien de cet âge, confirmant une précocité et une autorité musicale rares.

La consécration internationale à 16 ans
En 1958, à l’âge de 16 ans, Marius Cultier remporte à Porto Rico le premier prix du Piano International Contest. Il y interprète magistralement Round Midnight, œuvre de Thélonius Monk, son idole.
Cette victoire intervient devant de nombreux pianistes confirmés et marque une reconnaissance internationale précoce de son talent, bien au-delà des frontières martiniquaises.
Le départ pour le Canada et une carrière élargie
En 1967, Marius Cultier s’envole pour le Canada. Ce qui devait être un séjour de quelques jours se transforme en une installation de près de huit années.
Durant cette période, il rencontre des artistes de tout premier plan : Miles Davis, Dionne Warwick, Robert Charlebois, McCoy Tyner, B.B. King, Mongo Santamaria, Gerry Labelle. Avec certains d’entre eux, il se produit en spectacle ou en concert, enrichissant encore son expérience musicale.
Parallèlement, il anime des émissions de jazz sur plusieurs stations de radio canadiennes, notamment sur la CBC, participant activement à la diffusion et à la valorisation du jazz.
Le retour en Martinique et l’affirmation d’un style
À la fin des années 1970, Marius Cultier revient au pays avec son piano électrique Fender Rhodes. Ce retour marque une nouvelle étape de sa carrière.
Il invite alors le saxophoniste et flûtiste Gerry Labelle, venu de Montréal, ainsi que le trompettiste Billy Shield, originaire de Floride, ancien soliste du groupe Illustration et remplaçant du grand Chet Baker.
Il développe et exporte son univers musical, mêlant biguine et mazurka martiniquaises à un jazz personnel, souvent qualifié de « jazz à la Marius ». Son parcours le conduit en Guadeloupe, où il rencontre Henri Debs, puis dans la Caraïbe lors d’une tournée avec le célèbre harmoniciste Claude Garden, avant de se produire aux États-Unis.

Une œuvre majeure et reconnue
Marius Cultier laisse derrière lui une œuvre musicale monumentale, constituant un patrimoine exceptionnel pour la Martinique. Plusieurs dizaines de compositions sont enregistrées à la SACEM.
Parmi elles, Le Concerto pour La Fleur et L’Oiseau occupe une place particulière. Cette œuvre obtient le premier Grand Prix de la chanson d’Outre-mer le 12 décembre 1982, à la salle Gaveau à Paris. Elle révèle alors au grand public une artiste encore inconnue : Jocelyne Beroard.
La disparition d’un artiste d’exception
Le 23 décembre 1985, à Fort-de-France, à l’âge de 43 ans, disparaît un grand musicien martiniquais. Un génie de la musique, un avant-gardiste, un artiste extraordinaire, profondément attaché à sa famille et à la Martinique.
Pianiste autodidacte, auteur, interprète et compositeur, épris de jazz, de biguine, de mazurka et de musique latine, Marius Cultier a influencé de nombreux pianistes martiniquais. Un nom demeure, unique et incontournable : Marius Cultier.
Reconnaissance internationale et mémoire
Marius Cultier est inscrit comme collaborateur à l’avancement de la musique en Amérique et au Canada au musée du NAMM. Il y est reconnu comme un artiste majeur, considéré comme l’un des plus grands jazzmen de l’histoire.
L’association « Marius Cultier Mémoire » est présidée par son ami Jean Trudo et soutenue par ses filles Ayule et Laïni. Sa veuve, Gisèle Cultier, réside à Sainte-Anne. Deux de ses fils, Christian et Frank, vivent à Paris.
Un nom inscrit dans la durée
Deux rues des Terres Sainville portent aujourd’hui le nom de Marius Cultier.
Depuis le 30 novembre 2018, le lycée professionnel de Dillon, à Fort-de-France, porte également son nom : Lycée Professionnel Marius Cultier, inscrivant durablement sa mémoire dans l’espace public et éducatif.
Les musiciens qui l’ont accompagné
De nombreux musiciens ont accompagné Marius Cultier tout au long de son parcours. Il est impossible de tous les citer, mais une pensée appuyée va à Gerry Labelle, Paul Julvecourt, Philippe Burdy, Pierre Catayee, Ralph Thamar, Alex Bernard, Denis Dantin, Luther François, Alex Théodose, Alick Lowensky, Alain Dracius, Winston Berkeley, José Marie-Rose, et bien d’autres, qui ont partagé la scène et l’aventure musicale avec lui.
Jean TRUDO
Note :
Le NAMM (National Association of Music Merchants) est le plus grand salon professionnel de l’industrie musicale, dédié à la distribution, à la vente et à la création musicale.



