Le silo à grains de Ducos constitue aujourd’hui l’un des dossiers les plus emblématiques en Martinique de la confrontation entre intérêts catégoriels et intérêt général, entre logiques économiques sectorielles et exigences environnementales et juridiques.
Sur le plan du droit pénal, les juridictions ont été saisies de faits relatifs à la construction sans permis conforme et à la violation des règles d’urbanisme. Les juridictions correctionnelles ont retenu l’illégalité de l’ouvrage et prononcé des condamnations assorties d’astreintes, confirmant que nul ne peut se soustraire aux règles communes, y compris lorsqu’un projet se revendique d’une utilité économique.
Sur le plan du droit administratif, le dossier a donné lieu à plusieurs recours portant sur la légalité des autorisations, la compatibilité du projet avec le zonage agricole et le respect des documents d’urbanisme. Les juridictions administratives ont confirmé que le silo ne pouvait être régularisé et ont validé les mesures de démolition et de remise en état du site.
Ces deux volets — pénal et administratif — convergent vers un même constat : le droit a été violé, et les décisions de justice sont définitives. Dans un État de droit, leur exécution n’est pas optionnelle. Elle constitue une obligation juridique et démocratique.
La relance du dossier par l’Assaupamar s’inscrit précisément dans cette logique de respect de l’autorité de la chose jugée. L’association rappelle que la loi ne saurait être modulée en fonction de rapports de force, de pressions économiques ou de mobilisations sectorielles.
Dans un État de droit, la force doit rester à la loi. Accepter que des intérêts particuliers puissent s’affranchir des décisions de justice créerait un précédent dangereux, ouvrant la voie à une justice à géométrie variable et à une remise en cause de l’égalité devant la loi.
Les arguments invoqués au nom de l’autonomie alimentaire ou du soutien à une filière ne peuvent occulter une réalité fondamentale : les enjeux environnementaux et d’urbanisme concernent l’ensemble des Martiniquais. La protection des terres agricoles, des paysages et des équilibres écologiques relève de l’intérêt collectif, non d’intérêts catégoriels.
Ce dossier pose ainsi une question centrale pour la Martinique : quel crédit accorder à la parole publique et à la justice si les décisions rendues ne sont pas appliquées ? La transition écologique, la confiance citoyenne et la crédibilité des institutions passent par une application rigoureuse et impartiale du droit.
Jean-Paul BLOIS



