Damien Dublin, Président Du Comité National Des Réparations En Dominique, Nous Parle Du Travail Mené En Faveur Des Réparations Sur L’île.
Bonjour à tous, je suis le Dr Damian Dublin, président du Comité des réparations de la Dominique. Ce comité a été créé en 2014 suite à une décision historique prise à l’époque par les chefs de gouvernement de la CARICOM de mettre en place des comités nationaux de réparations. Comme il n’existait auparavant aucune commission des réparations en Dominique, nous avons dû mener une campagne de sensibilisation pour faire connaître le sujet et familiariser la population avec la terminologie. Même en l’absence d’une telle organisation, le mouvement rastafari en Dominique et d’autres forces progressistes réclamaient des réparations.
Lors de nos premières interventions, nous nous sommes concentrés sur le plaidoyer dans l’espoir de faire connaître le discours sur les réparations, un concept que nous devions faire comprendre aux gens pour leur faire comprendre que les réparations les concernent et qu’ils devraient s’y intéresser : nous avons donc organisé des tables rondes à la radio, nous sommes allés dans les universités à l’occasion de la Journée de l’histoire des Noirs, nous sommes allés dans diverses écoles pour parler des réparations et de l’histoire des Noirs, nous avons également mis en lumière des dates importantes comme l’anniversaire de Marcus Gaby, de Martin Luther King, et même de nos héros locaux, nous avons mentionné des leaders africains influents ou des dates qui ont eu un impact sur l’ensemble du mouvement pour les réparations.
Quelle est la signification de la justice réparatrice dans le contexte de l’histoire de la Dominique ?
Le Comité dominicain des réparations s’appuie sur le plan en dix points du Comité des réparations de la CARICOM, qui sert de feuille de route et de modèle pour la justice réparatrice. Nous avons collaboré avec l’organisation The Repair Campaign, avec laquelle nous avons tenu plusieurs réunions. Cette organisation a réalisé une évaluation du pays, examinant principalement les aspects socio-économiques des réparations et les besoins potentiels que la Dominique pourrait en retirer. Des séances ont été organisées avec différentes parties prenantes, auxquelles le Comité dominicain des réparations a participé. Nous avons tenu trois ou quatre réunions avant l’élaboration de la version finale. Nous attendons donc avec intérêt la publication de ce document final afin de l’examiner et d’envisager son application concrète.
Le comité des réparations est actif dans divers autres domaines. Nous avons lancé de nombreux appels à l’enseignement de l’histoire des Noirs et de l’histoire des Kalinagos dans les écoles. Nous avons également plaidé pour le développement de la langue kalinago. Depuis un certain temps, nous demandons que les lieux d’intérêt soient nommés et renommés en l’honneur de nos héros, les Marrons, les guerriers kalinagos, ceux qui ont tant contribué à nos pays et à leur développement, ainsi que des figures internationales qui ont marqué la lutte mondiale. Et nous poursuivrons nos efforts en ce sens.
Le 3 novembre 2025, jour de l’Indépendance, le Premier ministre a mentionné que le gouvernement envisageait la création d’un parc des héros. Nous nous félicitons de cette initiative et sommes prêts à collaborer à sa réalisation, car nous la réclamons depuis longtemps. Nous estimons également qu’un monument devrait être érigé en l’honneur des Kalinago. Un monument similaire existe déjà dans la capitale, près du site historique de l’hôtel Fort Young, en hommage aux Marrons.
Il est essentiel de faire cela pour le peuple autochtone kalinago, les premiers habitants de cette terre, qui ont préservé son intégrité pour nous. Ils ont résisté au colonialisme afin que notre terre, Wai’tukubuli (qui signifie « grand est son corps » en kalinago), reste intacte. Nous continuerons à œuvrer pour la restauration de sites d’intérêt, notamment le bâtiment du Barracoon. Ce lieu est un monument historique majeur de la Dominique : c’est là que les Africains réduits en esclavage étaient conduits à l’arrivée des navires, dans les cellules, avant d’être préparés pour être exposés et vendus au marché de Roseau, également appelé Old Market Plaza. Nous souhaitons donc que ces deux sites historiques importants soient connus du public.
Nous pensons que le baraquement pourrait être transformé en musée, qui permettrait de mettre en lumière tous les aspects historiques, et même certains aspects de la culture moderne, issus de la présence de nos frères et sœurs africains réduits en esclavage.
Qu’attendez-vous du mouvement actuel pour la justice réparatrice, tant au niveau local que régional ?
Dans la lutte pour les réparations, la mobilisation de tous nous permettra d’atteindre nos objectifs. Je tiens également à vous informer que le plan en 10 points est en cours de révision ; il est presque finalisé et sera mis à la disposition de la région caribéenne aux niveaux national, régional et international. Ce document important constitue la feuille de route du comité de réparation de la Dominique : nous luttons pour des réparations pour les Africains réduits en esclavage lors de la traite transatlantique, nous demandons également des réparations pour le système racial de l’esclavage et, compte tenu de la présence de notre communauté Kalinago, nous exigeons des réparations pour le génocide des peuples autochtones. Ce combat se poursuit et nous souhaitons que le mouvement pour les réparations prenne de l’ampleur et obtienne une reconnaissance internationale. D’ailleurs, les Nations Unies ont proclamé une nouvelle décennie de reconnaissance des personnes d’ascendance africaine. Une première décennie a été instaurée, et une nouvelle l’est désormais. Nous devons donc mettre à profit cette décennie pour obtenir le maximum de progrès et poursuivre la lutte sur tous les fronts politiques, diplomatiques, juridiques et nécessaires à la victoire. Nous continuerons également de collaborer avec toutes les organisations désireuses de nous apporter leur aide. Merci.



