Diana Pascal –
Clause de non-responsabilité : les opinions exprimées dans cet article sont exclusivement celles de l’auteure et ne représentent pas celles de Duravision Inc., de Dominica News Online ou de leurs marques affiliées.
Monsieur le Rédacteur,
La récente lettre visant à exonérer le programme de citoyenneté par investissement (CBI) de la Dominique de toute responsabilité, en rejetant l’essentiel des torts sur les États-Unis, mérite un examen attentif, et non une acceptation passive.
La faille centrale de l’argumentation avancée n’est pas d’ordre technique, mais structurel. L’auteure tente de présenter les faiblesses du programme CBI comme des conséquences inévitables des politiques américaines de partage de l’information, plutôt que comme le résultat de la manière dont ce programme est conçu, incité et administré.
S’il est vrai qu’aucun système de filtrage ne peut détecter des crimes qui n’ont jamais été enregistrés, cette réalité ne saurait justifier une diligence insuffisante ou précipitée. Bien au contraire, l’incertitude appelle une vigilance accrue, non la complaisance. En matière de conformité internationale, les lacunes d’information constituent un facteur de risque qui doit être compensé par des critères d’approbation plus stricts, des enquêtes approfondies et des seuils de rejet plus élevés.
Plus fondamentalement encore, la lettre évite complètement la question la plus cruciale : la dépendance aux recettes. Le programme CBI de la Dominique n’est pas une politique marginale, mais un pilier fiscal central, représentant une part substantielle — souvent majoritaire — des recettes de l’État. Ce seul fait crée un conflit d’intérêts structurel.
Il ne s’agit pas de conjecture, mais de logique élémentaire de gouvernance. Aucun pays ne peut sérieusement prétendre que les décisions d’octroi de la citoyenneté demeurent à l’abri des incitations financières lorsque le financement du budget national dépend de la poursuite ininterrompue des approbations.
La lettre minimise également l’importance de la complexité identitaire et des parcours personnels fragmentés. Or, les normes internationales de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme exigent une vigilance renforcée lorsque la continuité de l’identité est faible.
Par ailleurs, l’idée selon laquelle les États-Unis devraient simplement corriger leurs bases de données occulte l’essentiel : la sécurité commence avec l’acte souverain d’octroi de la citoyenneté. En délivrant un passeport, un État se porte garant de l’identité et de la fiabilité de son titulaire.
Enfin, qualifier les préoccupations sécuritaires de sanction infligée à des candidats innocents est trompeur. L’accès sans visa est un privilège, non un droit. Les États partenaires sont fondés à réévaluer les risques lorsque ceux-ci augmentent.
Ce débat ne sera pas tranché en rejetant toutes les responsabilités à l’étranger. Défendre crédiblement le programme CBI suppose de reconnaître la dépendance aux recettes, les conflits d’intérêts structurels et le traitement de la citoyenneté comme un produit transactionnel plutôt que comme une prérogative souveraine fondée sur la confiance.
On ne peut exiger des autres des comptes que l’on refuse de rendre chez soi.
Veuillez agréer, Monsieur le Rédacteur, l’expression de mes salutations distinguées.
Diana Pascal



