À la suite de la tribune publiée dans Antilla sur le « mythe du modèle économique antillais », Sandra Casanova, pour la Collectivité Territoriale de Martinique, a souhaité apporter une contribution au débat. Les arguments avancés établissent précisément l’existence d’un modèle économique martiniquais spécifique et posent, en creux, la question centrale de sa transformation effective.
Un débat faussement théorique
La tribune de Sandra Casanova s’inscrit dans un moment de débat nourri sur la nature de l’économie martiniquaise, et plus précisément sur l’idée selon laquelle celle-ci ne présenterait aucune spécificité. Selon cette lecture, évoquer l’existence d’un « modèle » singulier relèverait d’un leurre destiné à masquer une incapacité collective à agir en faveur du développement.
Sans entrer dans une controverse idéologique, l’auteure replace utilement la réflexion dans le cadre objectif des réalités structurelles d’une Région ultrapériphérique de l’Union européenne : insularité, éloignement, dépendance aux importations, chaînes logistiques longues et surcoûts durables.
Un modèle économique particulier, au sens strict
Ce faisant, les éléments évoqués viennent établir ce que le débat tend parfois à occulter : la Martinique connaît bien un modèle économique particulier. Non pas un modèle dérogatoire aux lois de l’économie de marché, mais une configuration économique spécifique, façonnée par son statut institutionnel, son insertion commerciale, ses contraintes logistiques et ses dépendances structurelles.
Nier cette réalité conduit moins à une exigence analytique qu’à une impasse intellectuelle.
Du diagnostic à la stratégie territoriale
La contribution de Sandra Casanova opère ainsi un déplacement du regard. Elle invite à sortir du débat abstrait sur les modèles pour se concentrer sur la construction d’une stratégie territoriale concrète. Celle-ci repose sur des leviers identifiés – logistiques, réglementaires et régionaux – susceptibles de transformer des contraintes reconnues en facteurs de développement.
L’enjeu central : passer de l’intention à la preuve
La reconnaissance d’un modèle économique particulier ne saurait suffire. Encore faut-il en tirer toutes les conséquences en matière d’action publique.
L’absence d’indicateurs objectivables, d’outils pleinement opérationnels et d’évaluations indépendantes fait peser un risque majeur : celui de confondre intention stratégique – tout à fait vertueuse, reconnaissons-le – et transformation réelle du système économique martiniquais.
Clarifier pour transformer
Le débat économique martiniquais ne porte donc plus sur l’existence ou non d’un modèle économique antillais – que les faits établissent – mais sur la capacité collective à le faire évoluer.
C’est à cette condition, et seulement à celle-là, que le débat public pourra devenir un véritable levier de transformation économique et sociale.
Jean-Paul BLOIS



