Les propos de Brigitte Bardot : contenu et portée
En mars 2019, Brigitte Bardot adresse une lettre ouverte au préfet de La Réunion, au nom de la défense animale, concernant la gestion des chiens errants sur l’île. Le sujet de départ – réel et documenté – porte sur la surpopulation canine, l’insuffisance des campagnes de stérilisation, des faits de maltraitance animale et la responsabilité des pouvoirs publics.
Toutefois, le contenu de cette lettre dépasse très largement ce cadre. Brigitte Bardot ne se limite pas à une critique de l’action publique mais vise la population réunionnaise elle-même, qu’elle décrit comme « dégénérée », « encore imprégnée de traditions barbares », évoquant l’existence de « gènes de sauvages », et assimilant certains comportements humains à un archaïsme biologique ou culturel.
Ces propos essentialisent un groupe humain, établissent un lien entre comportements et origine, et relèvent d’une rhétorique biologisante et racialiste, renvoyant directement aux imaginaires coloniaux. C’est ce basculement du plaidoyer animalier vers la stigmatisation raciale qui a provoqué une réaction institutionnelle immédiate.
Lettre ouverte d’Annick Girardin.
Paris, le 20 mars 2019
LETTRE OUVERTE À MADAME BRIGITTE BARDOT
Madame Bardot,
Votre lettre ouverte transmise hier au préfet de La Réunion a choqué, insulté et blessé nos compatriotes Réunionnais.
Vous avez choisi une date symbolique pour afficher votre racisme et votre haine : le 73ᵉ anniversaire de la départementalisation de ce beau territoire. La défense de la cause animale ne justifie en rien les propos que vous avez tenus et pour lesquels le préfet de La Réunion a effectué un signalement en application de l’article 40 du code de procédure pénale.
La Justice de notre pays tranchera et j’ai pleinement confiance en elle. Sachez que le Gouvernement auquel j’appartiens combattra avec la plus grande fermeté tous les propos et actes de haine.
Alors que se déroule la semaine nationale d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme, votre lettre ouverte constitue un contre-exemple éloquent pour les jeunes générations. L’idée même que des groupes humains disposeraient de « gènes de sauvages » nous renvoie directement à l’époque sombre des zoos humains et aux théories politiques fondées sur la supériorité de prétendues races.
Madame Bardot, vous qui avez déjà été condamnée à cinq reprises pour incitation à la haine raciale, vous qui avez aussi été le visage de Marianne et donc de la République, je vous le dis : le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit.
Annick Girardin
Ministre des Outre-mer
Cette affaire rappelle qu’une cause juste ne saurait autoriser des paroles injustes. La défense des animaux, aussi légitime soit-elle, ne peut servir de prétexte à l’atteinte à la dignité humaine ni à la résurgence de catégories raciales que l’histoire, la science et le droit ont disqualifiées.
Il serait toutefois réducteur de nier que Brigitte Bardot a consacré une part considérable de sa vie à la protection animale, souvent avec courage et constance, bien avant que cette cause ne devienne largement partagée.
Tenir ensemble ces deux réalités – un engagement animalier sincère et des propos condamnables – relève non de la complaisance, mais de la vérité.
Sans effacer les blessures causées ni relativiser la gravité des mots, il est possible de conclure dans un esprit d’apaisement et de mémoire, et de souhaiter la paix à l’âme de celle qui fut, malgré tout, l’une des figures les plus emblématiques de la défense des animaux.
Jean-Paul BLOIS



