La Martinique traverse une période charnière. Le territoire fait face à une série de difficultés bien connues mais qui s’aggravent : baisse et vieillissement de la population, chômage élevé, coût de la vie toujours plus lourd, réseaux d’eau défaillants, pollution au chlordécone, échouements massifs de sargasses, fragilité des transports collectifs et retard dans la transformation numérique des petites entreprises.
Selon l’INSEE, la population est tombée à 355 500 habitants début 2025, conséquence d’un solde naturel négatif et du départ des jeunes diplômés. Le chômage reste à 14 % et touche particulièrement la jeunesse. Dans le même temps, l’IEDOM, la banque centrale des départements d’outre-mer, souligne un climat économique dégradé et une confiance en recul.
L’eau reste un dossier brûlant : coupures, fuites et réseaux vétustes. La Cour des comptes appelle à un rattrapage massif. Le plan annoncé par la Collectivité territoriale de Martinique (CTM) prévoit le renouvellement des canalisations et une gestion unifiée. Sur le plan sanitaire, la crise du chlordécone continue d’empoisonner les sols et les esprits, tandis que les sargasses, avec leurs émanations toxiques, coûtent chaque année plusieurs millions d’euros aux finances publiques.
Les transports ne sont pas épargnés. Entre les grèves du réseau de bus, la lente montée en puissance du TCSP et les essais timides de navettes maritimes, la mobilité reste un casse-tête. Le numérique, lui, peine à s’imposer dans les TPE et PME : la moitié des entreprises n’avaient pas de site internet en 2020; les choses n’ont pas du s’améliorer énormément depuis. Le « Pass Numérique » de la CTM (8 000 à 10 000 euros pour la digitalisation) tente de combler ce retard, mais beaucoup reste à faire.
Pour autant, des solutions existent.
Un plan massif pour l’eau et l’assainissement, une stratégie d’indemnisation et de relance agricole face au chlordécone, une organisation plus efficace de la collecte des sargasses, une vraie réforme du transport collectif, et une accélération de la transition numérique des petites entreprises : ce sont là des chantiers concrets. Reste à les mettre en œuvre rapidement, avec des moyens financiers, mais surtout une volonté politique forte et une meilleure coordination entre l’État, la CTM, les intercommunalités et les communes.
La Martinique n’a pas un problème de diagnostic : il est partagé depuis longtemps. Ce qu’attendent les habitants, c’est que les promesses de plans et de stratégies se traduisent enfin en résultats visibles dans leur quotidien.
Gérard Dorwling-Carter