Contrairement à certaines formulations relayées dans le débat public, le ministre du Budget n’a jamais déclaré publiquement que « les Antillais sont des fraudeurs ». C’est pourtant ce sentiment de suspicion généralisée que dénonce Max Mathiasin, député LIOT de Guadeloupe, lors des débats sur les crédits de l’Outre-mer dans le budget 2026. Pour l’élu, une manière récurrente d’aborder l’Outre-mer par la « fraude » contribue à installer l’idée que les ultramarins seraient collectivement suspects.
L’intervention de Max Mathiasin, le 13 novembre 2025 à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans un climat où le gouvernement fait de la lutte contre les fraudes fiscales et sociales un axe majeur de communication. Cette priorité nationale prend une tonalité différente dans les territoires ultramarins, régulièrement évoqués comme des zones de contrôle difficile ou de fraude potentielle, au risque d’alimenter des stéréotypes déjà anciens.
Dans son intervention filmée, l’élu guadeloupéen interpelle directement les ministres : « En abordant toujours l’Outre-mer par la fraude, vous donnez le sentiment que tous les ultramarins veulent vivre sur la bête ». Et d’ajouter : « Nous ne sommes pas des fraudeurs, nous sommes des travailleurs. » Mathiasin reproche au gouvernement de ne jamais commencer par les réussites, les apports ou les dynamiques positives des territoires, préférant se concentrer sur les dysfonctionnements.
Toutefois, aucune trace officielle ne montre que le ministre du Budget aurait tenu la phrase « les Antillais sont des fraudeurs ». Il s’agit d’une interprétation polémique visant à dénoncer un climat discursif jugé stigmatisant. Mathiasin ne répond donc pas à une insulte textuelle, mais à une rhétorique technocratique qu’il estime méprisante, car ramenant trop souvent l’Outre-mer à ses faiblesses structurelles.
L’épisode révèle une tension plus large entre Paris et les territoires ultramarins. Depuis plusieurs années, des élus soulignent une manière de gouverner « depuis Paris » qui multiplie audits, contrôles, rapports et communications centrés sur la fraude, donnant l’impression d’une surveillance renforcée particulière pour les Outre-mer.
Cette polémique pose finalement la question du regard porté sur les Outre-mer : doit-on les aborder par leurs retards et déficits, ou d’abord valoriser leurs atouts, leurs réussites, leurs travailleurs et leurs contributions à la République ? Pour Max Mathiasin, tant que le discours public commencera par la fraude, il contribuera à creuser la distance symbolique entre la métropole et les territoires ultramarins.
En recadrant les ministres en séance, l’élu guadeloupéen rappelle une exigence simple : reconnaître la dignité des ultramarins, et cesser d’alimenter un soupçon collectif qui ne repose sur aucune réalité statistique globale mais sur des réflexes discursifs qui, à force d’être répétés, finissent par produire un imaginaire dévalorisant.
Gérard Dorwling-Carter



