Initiée par le Medef, la rencontre du monde économique a rassemblé mercredi, une vingtaine d’intervenants face à une centaine de personnes à Madiana. Lors de cette troisième édition, le débat s’est articulé autour de quatre thématiques.
Regards institutionnels : stabiliser et transformer l’économie martiniquaise. Or pour se transformer une économie a besoin d’investissement. Selon Alexandre Ventadour, élu à la CTM et président de la commission attractivité, développement économique, numérique et tourisme, la Martinique dispose d’un atout majeur face à ses concurrentes voisines : une stabilité et une fiscalité avantageuse. « Si on regarde la dynamique locale, l’envie d’entreprendre ne se dément pas. » L’élu nuance cependant en évoquant les difficultés intrinsèques. « On a un marché intérieur qui reste qualitatif. Les espaces sont en train de changer. La manière dont on collaborait avec l’Europe est en train d’être remise en cause. Être en Martinique en ce moment, c’est aussi être à l’endroit où on rebâtit un nouveau système économique qui va s’appuyer beaucoup sur ce qu’on sait faire en local et sur une nouvelle capacité d’export. » Pour ce faire, la CTM vise l’objectif d’avoir un port et un aéroport compétitifs en ouvrant notamment les routes maritimes et aériennes. La collectivité compte également sur l’attractivité du territoire grâce à une fiscalité avantageuse, aux accès aux financements, aux principes de formation, aux principes de formalité et au foncier.

Au cœur de l’attractivité, le dispositif de la LODEOM. « L’égalité des droits est aussi des mesures d’équité », a ajouté la sénatrice Catherine Conconne. « Investir en Martinique reste extrêmement compliqué, redoutable et difficile. Certes, il y a des intentions mais dans la réalité, celui qui investit en Martinique peut le faire n’importe où tant le parcours du combattant est difficile. » La sénatrice évoque l’ampleur des délais de paiement et de traitement. Pour la députée, Béatrice Bellay, il s’agit de changer la structuration de la LODEOM. « Il y a besoin d’une réforme pour que ce ne soit pas une trappe à bas salaires et que la simplification amène à moins d’erreurs. Il y a des outils de simplification à mettre en œuvre pour la rendre moins complexe. » Mais l’attractivité ne s’arrête à ce dispositif, il s’agit de répondre à un besoin de planification selon la députée. « Il y a un besoin de mettre en face de la planification des filières, de l’éducation à l’entrepreneuriat et du soutien des modes de production et de la valorisation de modèle économique. » De son côté le député Jiovanny William constate qu’il est difficile de faire comprendre au gouvernement les réalités d’un territoire outre Atlantique. « En tant que parlementaires, nous ne sommes pas là pour entrer dans cet afflux de lois mais faire en sorte que la loi soit de plus en plus adaptée à notre territoire. »
Coûts structurels, LODEOM et fiscalité Outre-mer : quelle stabilité pour 2026 ? Pour le directeur de l’Iedom, les principales contraintes structurelles sont l’insularité et la dépendance aux importations. 80% des biens de consommation sont importés ce qui vient alourdir les coûts logistiques. « Cet élément de contrainte inhérent au territoire est particulièrement fort. On peut l’améliorer mais elle sera présente de façon permanente. » Il poursuit : « Ce sujet des contraintes géographiques et d’éloignement de l’Hexagone nécessite pour les entreprises des stocks importants qui viennent augmenter en fonds de roulement. » L’Iedom a mené une étude récente sur le sujet. Elle montre que par rapport à l’Hexagone, c’est 25 jours de chiffres d’affaires supplémentaires qui sont mobilisés dans les besoins en fonds de roulement dans les entreprises locales. Sandra Casanova, présidente de la commission stratégie logistique du territoire à la CTM, insiste sur la logistique, « politique industrielle silencieuse pour le développement économique» mais également de zone franche douanière. « Beaucoup parlent de hub Martiniquais. Or nous ne pouvons être hub logistique que si nous avons posé un cadre réglementaire. La zone franche douanière est un véritable point de connexions avec les chaînes d’approvisionnement qu’elles soient locales ou mondiales. » Guillaume Gallet-de-Saint-Aurin, vice président de la Fedom affirme quant à lui que l’innovation est une clef : « L’innovation n’a pas de frontière. Faire de la Martinique un territoire d’innovation permettrait de dépasser les frontières et de créer de la valeur ajoutée sur le territoire à destination d’un marché mondial. » Franck Zameo, le président de la CCIM insiste sur la logistique. « L’accompagnement des entreprises au développement international et à la logistique export est très ancré au sein des services de la CCI. » En 2024, 308 entreprises ont été accompagnées à l’export. L’accès aux aides et aux financements est une problématique rencontrée par les entreprises. « Ces aides ne sont pas toujours très simples à trouver. » La CCI représente plus de 36 000 entreprises en Martinique.

Transformer des entreprises : numérique, IA et transition énergétique. L’IA incontournable outil de travail s’impose dans de nombreuses entreprises. Chams Kora, directeur régional de Fasfox établit la différence d’un usage domestique d’un usage professionnel. « Aujourd’hui, un outil mature serait l’assistant métier. Une IA qui n’utilise pas internet mais connectée à un corpus documentaire lié à l’entreprise et permettant aux collaborateurs de rédiger une proposition. Il s’agit d’une IA générative mais uniquement axée sur la documentation de l’entreprise. » En tant qu’acteur industriel énergéticien, la Sara est au cœur de la transition énergétique. Michel Yp-Tcha, directeur stratégie et transitions de la Sara. « Nous travaillons à la maîtrise de notre propre énergie. Nous cherchons à décarboner comme la réglementation et le point normatif imposé au niveau européen. Nous cherchons ainsi de nouveaux relais de croissance en tant qu’industriel pour nous diversifier, proposer des produits plus durables qui s’adressent au transport. » Mais le virage de la transition énergétique aussi vertueux soit-il doit être accompagné de financement. « Nous avons des objectifs ambitieux. Le secteur des énergies renouvelables représente pas loin de 90% de nos financements. À date, nous en sommes à 70%. Il ya une forte accélération », explique Franck Sannier, directeur général Antilles-Guyane de la BNP. La banque accompagne les porteurs de projets qui vont produire cette énergie renouvelable. « On a la puissance de feu de BNP Paribas en termes d’expertise puisque sur ce type de projet solaire, géothermique ou autre, nous avons un greendesk qui regroupe une quarantaine d’experts. Cela permet de structurer les financements mais également de faire les diagnostics avec les entreprises sur leur consommation énergétique. »

Attractivité économique et touristique du territoire. Les traces des exactions commises en marge du mouvement social de la fin 2024 sont encore présentes dans l’économie. « D’un point de vue économique l’année 2025 est plutôt atone. Nous n’avons pas retrouvé le niveau de 2023 », commence le préfet, Étienne Desplanques. Il explique que les chefs d’entreprise ont besoin et réclament de la stabilité « surtout après l’année 2024 qui était marquée au second semestre par une crise sociale de forte ampleur. Les chefs d’entreprise ont besoin que l’État soit un facteur de stabilité ». L’attractivité passe aussi par l’accessibilité du territoire insulaire qu’est la Martinique. Afin d’ancrer l’importance du trafic aérien dans la logistique locale, Nathalie Sébastien, la présidente du directoire de la Société aéroport Martinique Aimé-Césaire (Samac) rappelle la fragilité du réseau. En 2020, la crise sanitaire cloue les avions au sol. « Pour un territoire comme le nôtre le transport aérien est un véritable levier stratégique, ce n’est pas simplement se faire plaisir lorsque l’on fait venir des avions. C’est aussi assurer du développement économique, du développement touristique, permettre aussi à nos jeunes d’aller se former. » La France hexagonale représente deux tiers des flux de passagers aériens. « Compte tenu de la fragilité de l’écosystème, la diversification est importante. » Pour ce faire, la Samac se tourne vers l’Europe et l’Amérique du Nord. Nathalie Sébastien indique d’ailleurs que le trafic de l’aéroport est en croissance. Patrick Fabre, président de la commission tourisme du Medef et directeur du groupe Karibea abonde dans le sens de la présidente du directoire de la Samac : « Développer les liaisons aériennes, c’est fondamental ». Pour rendre le territoire attractif, il convient selon Patrick Fabre de réaliser des investissements de modernisation au niveau des hôtels et des hébergements. Il souligne que le taux d’occupation des hôtels est de 60% à l’année, un chiffre comparable à la Guadeloupe. Or pour être rentable, il indique que les hôtels pour être rentables doivent être occupés à 70%.

« La Martinique est une terre d’opportunité et il faut en être fier » a indiqué Catherine Rodap, présidente du Medef dans sa conclusion. « La transformation économique de la Martinique est en marche. Ce n’est pas une option, c’est une réalité. Nous avons mis l’accent sur des avancées qui font sens : la compétitivité, l’innovation, l’attractivité et les compétences. »
Laurianne Nomel



