Il nous a été adressé via Whatsap le texte suivant et nous avons fait une analyse de la proposition qui est faite
“Le racisme, entendu comme l’expression d’une haine profondément ancrée et dénuée de fondement rationnel, constitue une atteinte grave aux valeurs de dignité, d’égalité et de fraternité qui structurent l’ordre juridique d’une nation démocratique et civilisée.
Il conviendrait de procéder à sa reconnaissance, sur le plan légal, comme une pathologie d’ordre mental. Cette qualification permettrait d’intégrer, dans le corpus législatif, des dispositions précises autorisant, sous contrôle des autorités judiciaires et médicales, l’internement préventif ou curatif des personnes proférant des propos à caractère raciste.
Une telle mesure s’inscrirait dans une logique de protection de l’ordre public et de sauvegarde des droits fondamentaux, en conformité avec les engagements constitutionnels et internationaux de la Nation. En assimilant cette haine maladive à un trouble mental, le législateur pourrait renforcer les outils de lutte contre les comportements qui s’opposent frontalement aux valeurs universelles et à la cohésion sociale.”
Le présent avis examine, au regard des principes constitutionnels, conventionnels et des fondements du droit pénal et du droit de la santé, la proposition visant à reconnaître le racisme comme une pathologie mentale susceptible de justifier des mesures d’internement.
Le cadre constitutionnel et les principes fondamentaux
En droit français, toute atteinte à la liberté individuelle est strictement encadrée par l’article 66 de la Constitution, qui confie à l’autorité judiciaire la protection de cette liberté. L’internement, qu’il soit administratif ou judiciaire, ne peut être justifié qu’en cas de nécessité absolue, fondée sur un trouble mental médicalement constaté et une dangerosité avérée.
Assimiler le racisme à une pathologie mentale poserait une difficulté majeure : le racisme, bien que pénalement réprimé, relève d’un comportement idéologique ou discriminatoire et non d’un trouble psychique reconnu. Une telle assimilation risquerait de méconnaître le principe de légalité des atteintes à la liberté.
Le Droit pénal et la responsabilité individuelle
Le droit pénal repose sur la responsabilité personnelle de l’auteur de l’infraction. Les infractions racistes sont sanctionnées en raison de leur caractère intentionnel et de l’atteinte qu’elles portent à la dignité humaine.
Qualifier le racisme de pathologie mentale introduirait une confusion entre responsabilité pénale et irresponsabilité pour trouble mental, telle que prévue par l’article 122-1 du Code pénal. Cette confusion pourrait conduire à une atténuation, voire une neutralisation, de la responsabilité pénale des auteurs, en contradiction avec l’objectif de répression et de dissuasion poursuivi par le législateur.
Le Droit de la santé et les exigences médicales
Le droit de la santé mentale repose sur des critères cliniques objectivables, définis par les classifications internationales reconnues (CIM, DSM). Le racisme ne constitue pas un diagnostic psychiatrique identifié.
Instrumentaliser la psychiatrie à des fins de contrôle social exposerait l’État à des critiques sérieuses, tant sur le plan éthique que scientifique, et porterait atteinte à l’indépendance du corps médical.
Le Droit européen et international des droits de l’hommeo
La Convention européenne des droits de l’homme protège la liberté individuelle (article 5) et n’admet la privation de liberté pour raison médicale qu’en cas de trouble mental réel, établi par une expertise objective.
Une qualification juridique du racisme comme pathologie mentale serait susceptible d’être censurée par la Cour européenne des droits de l’homme, au motif qu’elle ne reposerait pas sur une base médicale suffisante et constituerait une mesure disproportionnée.
Enfin, une appréciation juridique finale
Si la lutte contre le racisme constitue un objectif de valeur constitutionnelle, sa reconnaissance comme pathologie mentale ne paraît pas juridiquement fondée. Une telle qualification exposerait le dispositif à des risques sérieux d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité.
Le cadre juridique existant – répression pénale des propos et actes racistes, dispositifs de prévention, sanctions civiles et administratives – offre des outils adaptés, respectueux des libertés fondamentales. Le renforcement de ces mécanismes apparaît juridiquement plus sûr qu’une médicalisation du racisme, incompatible avec les principes fondamentaux de l’État de droit. La problématique doit être déplacée au niveau de l’application de ces dispositifs
Gérard Dorwling-Carter.



