Une croissance revue à la baisse
À l’heure où le gouvernement prépare son projet de loi de finances pour 2026, les nouvelles venues de la Banque de France tombent comme un couperet. L’institution a ramené ses prévisions de croissance à 0,9 %, contre 1,2 % anticipé par l’exécutif. Une différence qui peut sembler ténue, mais qui représente plusieurs milliards d’euros de recettes fiscales en moins pour l’État.
Pour Sébastien Lecornu, arrivé à Matignon dans un climat de défiance et d’instabilité, l’équation budgétaire devient particulièrement délicate : concilier rigueur, crédibilité financière et attentes sociales.
Des vents contraires persistants
Les raisons de ce ralentissement sont multiples. Sur le plan intérieur, l’instabilité politique née de la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024 continue de peser sur la confiance des ménages et des investisseurs. Les décisions de consommation et d’investissement sont différées, aggravant la prudence générale.
À l’international, les tensions commerciales avec Washington aggravent la situation. L’administration Trump a imposé des droits de douane de 10 % sur l’ensemble des exportations européennes, et jusqu’à 25 % sur l’acier et l’automobile. Selon plusieurs instituts, ces mesures pourraient retrancher près de 0,4 point de croissance au PIB français en 2026.
S’y ajoutent la hausse des prix du pétrole, l’appréciation de l’euro et une reprise industrielle encore poussive.
Une équation budgétaire fragilisée
Initialement, le gouvernement tablait sur une réduction du déficit public de 5,4 % du PIB en 2025 à 4,6 % en 2026, soit un effort évalué à 44 milliards d’euros. Mais avec une croissance moins dynamique, la cible risque de s’éloigner dangereusement : sans mesures correctrices, le déficit pourrait atteindre 6,1 % du PIB, soit près de 185 milliards d’euros.
Cette dérive budgétaire inquiète les marchés et a déjà valu à la France une dégradation de sa note souveraine par l’agence Fitch, passée de AA- à A+ le 12 septembre. Une sanction symbolique, qui renchérit le coût de la dette et rappelle la vulnérabilité de l’économie française.
Lecornu sur la corde raide
Face à ce dilemme, le nouveau Premier ministre tente de rééquilibrer la trajectoire. Des consultations sont en cours pour réduire l’effort d’économies à 35-36 milliards d’euros, loin des 44 initialement envisagés. Le Parti socialiste, interlocuteur privilégié, plaide pour un effort encore plus limité, autour de 22 milliards d’euros.
Parallèlement, Lecornu multiplie les gestes symboliques : abandon de la suppression de deux jours fériés, renoncement à une « année blanche » pour les pensions de retraite, et suppression annoncée des privilèges à vie des anciens ministres. Des mesures destinées à calmer les tensions sociales et parlementaires, sans pour autant régler l’équation financière.
Une crédibilité en jeu
L’objectif affiché reste inchangé : revenir sous la barre des 3 % de déficit d’ici 2029, conformément aux engagements européens. Mais l’équilibre est précaire. Trop d’austérité risquerait de raviver la colère sociale et de fragiliser davantage un exécutif déjà contesté. Trop de laxisme budgétaire exposerait la France à la défiance des marchés et de Bruxelles.
À 38 ans, Sébastien Lecornu joue une partie serrée : convaincre qu’il peut être à la fois le garant de la stabilité politique et le maître d’œuvre d’un redressement budgétaire crédible.
Jean-Paul BLOIS