Le médecin-chef sortant revient sur trois années de réformes et de défis dans le système de santé caïmanais
Par Daphne Ewing-Chow – 31 octobre 2025
Alors qu’il s’apprêtait à prendre sa retraite – « pour la troisième et dernière fois », plaisantait-il – le Dr Nick Gent, médecin-chef des îles Caïmans, a profité de son discours d’adieu prononcé le 23 octobre lors de la conférence annuelle sur la santé pour livrer une réflexion sincère et lucide sur l’état du système de santé local.
« Le titre de ce discours pourrait être : ce que j’aurais fait différemment au cours des trois dernières années si j’avais su alors ce que je sais maintenant sur les îles Caïmans », a-t-il déclaré.
Son allocution, à la fois affectueuse et sans complaisance, a mêlé éloges pour les progrès accomplis et critiques franches des failles persistantes. Gent a présenté ses propos comme les réflexions « d’un homme qui aime profondément les îles Caïmans et leur population ».
Au centre de son message, un appel à la lucidité :
« Nous avons désespérément besoin de nous regarder dans le miroir, nous et nos systèmes de santé, afin de mieux orienter notre développement futur. »
Inégalités et pauvreté cachée
Arrivé aux Caïmans en 2022, peu après la pandémie, Gent a contribué à une phase de réforme profonde du secteur sanitaire. Mais, dit-il, l’une de ses plus grandes découvertes a été « l’ampleur d’une pauvreté extrême mais cachée » – un contraste saisissant avec la prospérité apparente de l’archipel.
Selon la dernière enquête STEPs, plus de 40 % de la population gagne moins de 30 000 dollars caïmanais par an, et environ la moitié de ce groupe vit avec moins de 15 000 dollars.
Cette précarité, souligne Gent, alimente de fortes inégalités d’accès aux soins, aggravées par un système d’assurance santé défaillant, fondé sur la rentabilité des acteurs privés plutôt que sur la prévention.
« Ce modèle place les soins hors de portée de beaucoup, favorise les traitements réactionnels et la fragmentation des services. »
Résultat : les patients consultent souvent plusieurs médecins sans dossier médical partagé, ce qui entraîne des prescriptions multiples, parfois contradictoires, et une surmédication potentiellement dangereuse.
« Je vois régulièrement des patients à qui l’on prescrit huit médicaments ou plus, sans considération suffisante pour leur utilité, leur coût ou leurs interactions possibles. »
Un système à la dérive économique et réglementaire
Gent a mis en garde contre un système surchargé de praticiens, parfois poussés à multiplier examens ou interventions pour assurer leur rentabilité.
« Le besoin de profit peut inciter à des investigations excessives ou à des traitements prématurés », a-t-il souligné.
Il a aussi déploré la légèreté de la régulation : faible exigence de renouvellement de licence, formation continue limitée, et manque de travail en équipe dans un contexte de concurrence.
Prévention, équité et réformes en cours
S’il pouvait revenir en arrière, Gent dit qu’il aurait porté une attention plus précoce au système d’assurance, qui privilégie trop les soins curatifs. Il salue toutefois les projets actuels de réforme législative en ce sens.
Le médecin a plaidé pour une priorité nationale à la prévention : vaccination universelle, dépistages des cancers, prise en charge équitable des grossesses, et attention accrue aux personnes âgées, malades mentaux, enfants placés et détenus.
« Si nous pouvions offrir des services de maternité où les moyens financiers ne conditionnent pas la qualité des soins, nous serions une société plus juste. »
Gent s’est félicité de plusieurs avancées prometteuses :
- la refonte du cadre légal de l’assurance santé,
- le programme HEARTS de lutte contre l’hypertension,
- la modernisation de la supervision médicale.
Il espère que ces progrès ouvriront la voie à un programme national contre le diabète et à une meilleure coordination électronique (prescriptions, dossiers médicaux, plans de soins).
Mais il a averti :
« Il faut des pratiques fondées sur les preuves, une intégration réelle entre professionnels, et aucune place pour l’individualisme médical. »
Gent a terminé son discours en remerciant le ministère de la Santé, ses collègues et la population pour leur « bienveillance et leur engagement », exprimant sa confiance en sa successeure, la Dre Hilary Wolf, « dont la carrière remarquable vous servira bien ».
« Ces trois années, a-t-il conclu, ont été un moment fort de ma carrière, et la plus belle manière de tirer ma révérence, avec de merveilleux



