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L’amer à boire. Le service européen Copernicus publie ce mardi son grand rapport annuel sur l’état de l’océan. Produite par plus de 70 scientifiques, cette évaluation mondiale alerte sur la crise écologique multiforme qui touche les mers en chaque point de la planèt
La température globale des eaux de surface a atteint un record en 2024
«Souvent considéré comme une vaste frontière éloignée, l’océan est de plus en plus reconnu comme central dans le maintien de l’équilibre environnemental de la planète», rappelle en préambule l’étude principale. Recouvrant plus de 70% de la surface du globe, les mers et océans produisent la moitié de nos besoins en oxygène, capturent un quart de nos émissions de gaz à effet de serre et absorbent plus de 90% de l’excès de chaleur généré par le changement climatique (notre article).
Cet incroyable régulateur du climat est pourtant en première ligne de la crise écologique causée par les activités humaines. La température globale des eaux de surface ne cesse d’augmenter depuis le début des mesures par satellites en 1982, au point d’atteindre un record à l’été 2024, avec 21 degrés. Le réchauffement climatique entraîne également une fonte accélérée des glaces et une augmentation sans précédent du niveau des mers : le déclin de la banquise arctique a par exemple battu quatre records entre décembre 2024 et mars 2025, souligne le rapport. Au niveau global, la hausse du niveau des mers s’est accélérée de 30% entre les années 1990 et les années 2010.

La hausse des émissions de dioxyde de carbone (CO2) accentue aussi l’acidification de l’océan, qui vient de dépasser «le seuil considéré comme sûr pour la vie», selon un autre rapport scientifique publié la semaine dernière (notre article). Additionnés aux différentes pollutions, ces bouleversements renforcent les pressions sur la biodiversité marine : modification de la distribution d’espèces, dégradation des habitats, développement d’espèces invasives… Des habitant·es des côtes jusqu’à la pêche, en passant par le tourisme, «les changements océaniques sont profondément liés non seulement aux écosystèmes marins, mais aussi à de nombreuses dimensions sociales, économiques et culturelles de la société humaine», alerte le résumé du rapport sur l’état de l’océan.
«Lorsque l’océan change, il en est de même pour tout ce qui lui est lié»
«Tout est connecté, synthétise le document. Lorsque l’océan change, il en est de même pour tout ce qui lui est lié : les écosystèmes, la société et l’économie.» Vert vous donne quelques exemples tirés du rapport de cette interconnexion des crises écologiques qui bouleverse nos mers.
🌡️ Les canicules marines ont battu de nouveaux records en 2023 et 2024, dépassant de 0,25°C les années 2015 et 2016. Ces «incendies sous-marins» ont des conséquences dévastatrices sur la biodiversité et les économies côtières (notre reportage).
🌊 Le niveau moyen de la mer a augmenté de 228 millimètres entre 1901 et 2024, renforçant le risque d’inondation et d’érosion côtières. En Europe, près de 200 millions de personnes sont concernées, et de nombreux sites du patrimoine mondial de l’Unesco risquent d’être submergés dans les siècles ou millénaires
🦐 Le réchauffement et l’acidification modifient la répartition des zones clés de micronectons, dont les limites sont progressivement repoussées vers les pôles.Ces petits organismes de 2 à 20 centimètres (poissons, mollusques, crustacés…) sont une source de nourriture pour de nombreux prédateurs marins et jouent un rôle central dans l’absorption du carbone dans l’océan.
🪸 Les trois quarts des pays émettant plus de 10 000 tonnes de déchets plastiques par an bordent des récifs coralliens. Ces écosystèmes sont déjà sous pression du changement climatique et de l’acidification de l’océan (notre article).
🦀 Le réchauffement des eaux favorise les espèces invasives, qui nuisent aux activités de pêche. À la suite de la canicule marine record de 2023 en Méditerranée, la prolifération de crabes bleus atlantiques a par exemple causé un effondrement de 75 à 100% de la production de palourdes dans le delta du Pô (